Une semaine après le déclenchement des pires émeutes depuis des décennies en Grande-Bretagne, les grandes villes du pays restaient samedi sous haute surveillance policière malgré le calme qui semblait s'installer et le gouvernement a appelé à la rescousse un policier new-yorkais.

Pour la troisième fois consécutive, aucun incident important n'a été rapporté dans la nuit, mais les forces de l'ordre, mobilisées en masse, restaient en état d'alerte craignant que le week-end ne soit l'occasion de nouveaux dérapages entre matchs de soccer et soirées au pub arrosées.

Une manifestation de l'English Defence League (EDL), un mouvement d'extrême droite, a d'ailleurs été interdite près de Birmingham.

Pas moins de 16 000 policiers étaient toujours déployés rien qu'à Londres d'où sont parties les émeutes samedi dernier, après l'embrasement du quartier déshérité de Tottenham (nord). Une veillée à la mémoire d'un père de famille tué lors d'une opération de police et dont la mort avait mis le feu aux poudres s'est déroulée dans le calme vendredi soir dans cet arrondissement.

Le match de la 1re journée du championnat d'Angleterre entre Tottenham et Everton samedi après-midi a été reporté à la demande de la police, mais les neuf autres matches ont été maintenus. Comme ceux de 2e, 3e et 4e divisions anglaises prévus à Londres ce week-end.

La police a poursuivi sa contre-offensive: plus de 2100 personnes ont déjà été interpellées, dont 1271 dans la seule capitale. Les tribunaux, qui travaillent sans relâche, tiennent des audiences spéciales ce week-end pour faire face à l'afflux de suspects.

Le Premier ministre conservateur, David Cameron, qui prône la manière forte face à des actes «criminels», a même souhaité que les fauteurs de troubles n'aient plus droit à un logement social.

«Si vous vivez dans un logement social, vous profitez d'une maison à prix réduit et cela vous donne des responsabilités», a-t-il lancé.

Le conseil municipal de Wandsworth, dans le sud de Londres, a d'ailleurs émis un avis d'expulsion contre un locataire dont le fils est soupçonné d'être un émeutier. La décision sans appel reviendra à un juge.

Pour éradiquer les troubles, M. Cameron a aussi demandé à l'ex-chef de la police new-yorkaise Bill Bratton de travailler comme consultant pour Scotland Yard et de lui faire partager son expérience dans la lutte contre les violences urbaines. M. Bratton, qui a également dirigé la police de Boston et de Los Angeles, théâtre d'émeutes en 1992, va participer à une série de réunions à l'automne avec ses homologues britanniques, notamment sur les gangs, pointés du doigt par le gouvernement britannique pour leur rôle dans les violences.

Mais il a d'ores et déjà averti que la multiplication des interpellations n'était pas suffisante.

«Il ne suffit pas de faire des arrestations pour régler les problèmes», a-t-il déclaré au New York Times. «Il va falloir beaucoup (...) de techniques et de stratégie de prévention.»

Le ministre de l'Économie, George Osborne, a soutenu cette approche, estimant que l'important n'était pas de revenir sur les coupes budgétaires qui affectent la police, mais de se pencher sur les problèmes de fond.

«Il y a des problèmes sociaux dont les racines sont très profondes auxquels il faut s'attaquer», a-t-il souligné, évoquant les «communautés qui ont été laissées à l'écart du reste du pays».

Mais ce renfort américain n'est pas du goût de tout le monde: «Même s'il a des états de service très brillants aux États-Unis, c'est un style de police différent du nôtre. La culture des gangs n'est pas la même qu'ici», a jugé Jon Tully, responsable de la Fédération de la police londonienne.

Huit jours après l'embrasement de Tottenham, la presse britannique commençait à tirer un premier bilan d'«une des semaines les plus humiliantes» depuis l'après-guerre, qui a «changé» à jamais le visage du pays.

«En une semaine, la Grande-Bretagne qu'on connaissait a disparu à tout jamais», affirmait ainsi le Daily Mirror, à côté d'une photo de policiers entourant un blessé, devant un brasier dans une rue de Londres.