L'opposition britannique, tout en condamnant fermement les émeutiers qui ont semé le chaos dans Londres et d'autres villes, accuse les coupes budgétaires sans précédent du gouvernement d'avoir contribué au ressentiment de populations déjà marginalisées.

L'ancien maire travailliste de Londres Ken Livingstone, très marqué à gauche et qui espère reprendre en 2012 son siège au conservateur Boris Johnson, a été un des plus clairs: «Si vous effectuez des coupes massives, il y a toujours une possibilité qu'une révolte de ce genre survienne».

Autre figure du Labour, la députée noire Diane Abbott, élue du quartier de Hackney où des troubles ont éclaté, a suscité la colère de ses collègues Tories en évoquant elle aussi un lien possible.

Elle a rappelé que la municipalité déshéritée de Tottenham, d'où sont parties les violences samedi soir, venait de voir son budget amputé de 41 millions de livres (environ 65 millions $CAN) à cause du plan de rigueur, entraînant une baisse de 75% des crédits aux services de la jeunesse et la suppression des bourses pour des milliers de collégiens.

«Ces faits ne constituent en aucun cas une raison suffisante pour justifier des émeutes et des pillages. Mais, ajoutés à d'autres coupes affectant les emplois et les services publics, il est difficile de voir comment des quartiers comme Tottenham pourraient être bientôt moins inflammables», a assuré Mme Abbott.

«Les coupes dans les services locaux ont joué un rôle dans la montée des tensions dans cette zone», a renchéri une élue londonienne du parti Vert, Jenny Jones.

Le gouvernement du conservateur David Cameron a lancé l'an dernier un plan d'économies d'une ampleur sans équivalent parmi les autres grands pays européens, afin de venir à bout d'ici 2015 d'un déficit abyssal.

Le budget aux collectivités locales est l'un des plus touchés, avec une baisse de 27% de ses crédits en quatre ans, et des conséquences quasi-immédiates pour les associations d'aide aux démunis ou les services culturels locaux.

Les conservateurs ont vivement répliqué aux critiques de l'opposition, accusant par exemple Mme Abbott de «chercher de manière irresponsable à excuser des criminels».

Ils reprennent également l'argument martelé par M. Cameron et son ministre des Finances George Osborne, selon lequel le plan de rigueur a mis le pays à l'abri d'une crise budgétaire comparable à celle de la Grèce.

Il y a en revanche un domaine où les coupes budgétaires sont remises en cause par les élus Tories: celles qui touchent les forces de l'ordre, visiblement dépassées et en sous-effectifs aux premiers jours des émeutes et dont le budget doit être amputé de plus de 20% dans les prochaines années.

Sa réélection à Londres en jeu, Boris Johnson a lancé mercredi un appel solennel au gouvernement pour qu'il «reconsidère» les baisses d'effectifs dans la police.

«Les forces de l'ordre disposent des moyens suffisants pour faire leur travail», lui a répliqué M. Cameron, en notant que «les maires veulent toujours plus d'argent».

Mais la majorité de la classe politique - y compris le leader du Labour Ed Miliband -, comme les sociologues, se gardent de faire du plan de rigueur la cause unique, ou même principale, des pires émeutes que Londres ait connues depuis au moins 20 ans.

«Il y a une explosion de colère longtemps réprimée contre la police, mais aussi une frustration sociale plus générale. Ce sont des gens qui ne se voient aucun avenir», a expliqué à AFP l'universitaire Gus John.

Et les travaillistes ont sur ce point leur part de responsabilité: selon une enquête effectuée l'an dernier, les inégalités sociales sont restées aussi fortes à l'issue de leurs 13 années de pouvoir (1997-2010), la richesse des 10% des ménages les plus aisés représentant près de 100 fois celle des 10% les plus pauvres.