Les élections de mi-mandat ne seront pas seulement un référendum sur la performance de Barack Obama à la Maison-Blanche et de ses alliés démocrates au Congrès. Elles seront également le premier véritable test électoral du Tea Party, un mouvement de contestation auquel la journaliste du New York Times Kate Zernike a consacré un livre intitulé Boiling Mad: Inside Tea Party America. La Presse l'a interviewée la semaine dernière pour évaluer l'impact des tea-partiers sur le scrutin du 2 novembre.

Q Quelle est l'origine du Tea Party?

R Le Tea Party a commencé avec un groupe de gens frustrés et mécontents de l'augmentation de la dette nationale, des dépenses qu'ils jugeaient irresponsables et des plans de sauvetage et de relance mis en oeuvre par le gouvernement pour éviter un effondrement total de l'économie après septembre 2008. Au fur et à mesure que ce mouvement a pris de l'ampleur, il a englobé plusieurs autres sujets de frustration, comme l'immigration ou le projet de construction d'un centre culturel islamique et d'une mosquée près de Ground Zero.

Q Comment définissez-vous le Tea Party sur le plan idéologique?

R Je pense que c'est un mouvement foncièrement libertarien, même si plusieurs militants se considèrent comme très conservateurs. On a fait plusieurs comparaisons entre le Tea Party et le Reform Party de Ross Perot, qui a vu le jour dans les années 90. Selon les sondages, il y a des parallèles entre les deux mouvements, qui regroupent des gens un peu plus fortunés et scolarisés que la moyenne des Américains. Mais le Reform Party de Ross Perot parlait de réformer le gouvernement, de le rendre plus efficace. Ce que le Tea Party dit, c'est: «Nous voulons moins de gouvernement. Nous voulons sortir le gouvernement fédéral de nos vies.»

Q Quelle est la fausse idée la plus répandue sur le Tea Party?

R Je pense que les gens sous-estiment jusqu'à quel point les sentiments qui animent les militants du Tea Party sont répandus dans la population et jusqu'à quel point les militants sont organisés. Personne ne s'attendait à ce que Christine O'Donnell remporte la primaire républicaine au Delaware (à l'élection sénatoriale), par exemple. On la tenait pour folle et ses partisans, délirants.

Q Combien y a-t-il de candidats issus du Tea Party ou qui ont l'appui de ce mouvement aux élections de mi-mandat?

R Nous avons fait une analyse la semaine dernière et nous avons compté 139 candidats à la Chambre des représentants et au Sénat. La plupart d'entre eux tentent de se faire élire dans des circonscriptions où les démocrates sont favoris. Dans la plupart des cas, le vote sera donc un vote de protestation. Cela dit, un nombre significatif de candidats associés au Tea Party se trouvent dans des circonscriptions où ils ont de bonnes chances de l'emporter.

Photo: AP

Q Quel devrait être l'impact des élus du Tea Party sur le Congrès et le Parti républicain?

R Ils vont certainement pousser le Parti républicain plus à droite, et je crois qu'il y aura plus de pression sur les républicains pour qu'ils réduisent vraiment les dépenses et choisissent des candidats plus conservateurs.

Q La NAACP a publié la semaine dernière une liste des partisans du Tea Party ayant des liens avec des groupes racistes. Quelle importance attribuez-vous à la question raciale dans ce mouvement?

R Je ne crois pas que la question raciale soit ce qui mobilise le Tea Party. En prenant de l'ampleur, le mouvement a peut-être attiré des gens qui ont exprimé des sentiments racistes, mais je crois que c'est une erreur de qualifier le Tea Party de raciste.

Q Vous croyez qu'un Barack Obama blanc qui aurait eu le même programme politique aurait suscité la même opposition?

R Je pense qu'un président blanc qui aurait proposé un programme aussi ambitieux, particulièrement en matière de santé, aurait soulevé la même opposition. Nous l'avons vu avec Bill Clinton. Nous devons aussi tenir compte du fait que Fox News est devenu un acteur important. Contrairement à l'époque de Bill Clinton, il y a aujourd'hui aux États-Unis une présence médiatique conservatrice qui encourage la contestation.

Photo: AP