L'ex-président égyptien Hosni Moubarak, chassé du pouvoir en 2011 par une révolte populaire, a été blanchi samedi par la justice d'accusations de complicité de meurtres de manifestants, mais il va rester en détention en raison d'une précédente condamnation.

Un tribunal du Caire a abandonné l'accusation de complicité de meurtre visant l'ancien raïs pour son rôle dans la répression sanglante des manifestations durant le soulèvement de 2011, qui a précipité sa chute. Il a par ailleurs été acquitté samedi d'accusations de corruption, dans une affaire séparée.

M. Moubarak, âgé de 86 ans et qui a régné d'une main de fer pendant 30 ans, va rester en détention dans un hôpital militaire car il purge actuellement une peine de prison de trois ans dans le cadre d'un jugement pour corruption.

Ce verdict intervient alors que le régime de M. Moubarak, honni il y a quatre ans, a été largement réhabilité dans l'opinion publique et les médias depuis que l'ex-chef de l'armée et actuel chef de l'État Abdel Fattah al-Sissi a destitué le président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013.

Samedi, après l'annonce du verdict par le juge Mahmoud Kamel al-Rashidi, les deux fils de M. Moubarak, eux aussi accusés de corruption, ont embrassé sur le front l'ancien président. Installé sur une civière et lunettes de soleil sur le nez, M. Moubarak s'est contenté d'un sourire discret.

Les accusations pesant contre Alaa et Gamal Moubarak ont été abandonnées en raison de la prescription des faits.

Les journalistes pro-Moubarak présents dans le tribunal ont laissé éclater leur joie, scandant «Dis la vérité, soit audacieux, Hosni Moubarak est innocent».

Ce verdict «prouve l'intégrité» du régime de M. Moubarak, a réagi son avocat, Farid al-Deeb.

À l'extérieur de l'académie de police où siège la cour, Mostafa Morsi, qui a perdu son fils Mohamed durant la révolte de 2011, était consterné: «Ce verdict est injuste. Le sang de mon fils a coulé pour rien.»

Dans le procès pour complicité de meurtres, sept hauts responsables de la sécurité, dont l'ex-ministre de l'Intérieur de M. Moubarak, Habib al-Adly, ont été acquittés.

Le parquet et les parties civiles ont la possibilité de faire appel des verdicts prononcés samedi.

«La conscience tranquille»

Plus de 846 personnes ont été tuées en 2011 durant les 18 jours de soulèvement populaire, durant lesquels les manifestants réclamant le départ de M. Moubarak ont affronté la police.

L'ancien président avait assuré en août qu'il «n'avait jamais ordonné le meurtre de manifestants», ajoutant: «J'ai la conscience tranquille et je suis content d'avoir passé [ma vie] à défendre l'Égypte».

Ces derniers jours, la presse égyptienne pariait sur un acquittement de M. Moubarak, le climat en Égypte aujourd'hui étant bien différent de celui de son premier procès pour complicité de meurtres, en 2012. Il avait alors été condamné à la prison à perpétuité, mais la sentence avait été annulée pour des raisons techniques.

Des défenseurs des droits de l'Homme accusent régulièrement M. Sissi, chef des renseignements militaires sous Moubarak, de vouloir refermer la parenthèse démocratique ouverte en 2011 alors que des figures de l'ancien régime effectuent leur grand retour sur la scène politique.

L'actuel premier ministre Ibrahim Mahlab était ainsi un cadre du parti de M. Moubarak.

Très médiatisés au départ, les procès de Hosni Moubarak sont aujourd'hui éclipsés par ceux de son successeur, l'islamiste Mohamed Morsi.

M. Morsi et la quasi-totalité des dirigeants de sa confrérie des Frères musulmans sont derrière les barreaux et encourent la peine de mort dans divers procès. Ils sont rétroactivement accusés par la presse d'être derrière les violences qui ont secoué le pays depuis 2011.

Et la police a été en partie réhabilitée dans l'opinion publique, qui salue maintenant la répression des pro-Morsi par les forces de sécurité.

Après le coup de force de l'armée contre M. Morsi, plus de 1400 manifestants islamistes ont été tués par la police et l'armée, essentiellement au Caire, et plus de 15 000 Frères musulmans ou sympathisants ont été emprisonnés.

Des centaines ont en outre été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs et qualifiés par l'ONU de «sans précédent dans l'histoire récente».

Le pouvoir s'en est également pris à l'opposition laïque et de gauche, emprisonnant des dizaines de jeunes militants pour avoir enfreint une loi controversée limitant le droit de manifester.