L'armée égyptienne, au pouvoir depuis la chute de Hosni Moubarak l'an dernier, a annoncé jeudi la fin de l'état d'urgence imposé en 1981, à la satisfaction des défenseurs des droits de l'homme qui réclamaient sa levée avec insistance.

La loi sur l'état d'urgence, qui expirait jeudi, restreint les libertés publiques. Elle donne des pouvoirs élargis à la police en matière d'arrestation et de détention, et permet le renvoi devant des tribunaux d'exception.

L'armée « continuera à assumer la responsabilité nationale de protéger la sécurité de la nation et des citoyens (...), compte tenu de la fin de l'état d'urgence et conformément à la déclaration constitutionnelle et à la loi », a indiqué le Conseil suprême des forces armées (CSFA) dans un communiqué publié par l'agence officielle Mena.

L'armée jouera ce rôle jusqu'à la remise du pouvoir à un président élu d'ici la fin juin, a ajouté la junte militaire. Les Égyptiens doivent de nouveau se rendre aux urnes les 16 et 17 juin pour le second tour de l'élection présidentielle.

« L'état d'urgence s'est terminé aujourd'hui », a indiqué de son côté la télévision publique.

Cette loi d'exception avait été imposée après l'assassinat du président Anouar al-Sadate en 1981 par des islamistes. Elle avait été depuis reconduite sans discontinuer, pour la dernière fois en 2010 pour deux ans, jusqu'au 31 mai 2012.

Le gouvernement de l'époque s'était engagé « à ne pas utiliser les mesures d'exception disponibles pour autre chose que la lutte contre les menaces du terrorisme et de la drogue », cherchant -en vain- à calmer les inquiétudes sur son usage à des fins politiques.

L'armée avait d'abord étendu le champ d'application de la loi pour inclure les grèves et la « diffusion de fausses rumeurs », avant de la lever partiellement en janvier à l'occasion de l'anniversaire du début de la « révolution ». Elle n'était depuis applicable qu'aux « voyous ».

La nouvelle avait été accueillie avec réserve par les ONG de défense des droits de l'homme, pour qui la décision laissait encore place aux abus.

Aux termes de la déclaration constitutionnelle approuvée en mars 2011 par référendum -la Constitution ayant été suspendue après la chute de M. Moubarak- l'armée est responsable de la protection du pays et le Parlement peut voter l'état d'urgence à la demande de l'exécutif, mais sa durée est limitée à six mois et il ne peut être ensuite renouvelé que par référendum.

D'après Essam el-Eriane, le vice-président du Parti de la Liberté et de la Justice (Frères musulmans) qui domine le Parlement, le communiqué de l'armée signifie qu'elle ne demandera pas la prorogation de l'état d'urgence.

Interrogée sur la possibilité que le gouvernement demande la prolongation de l'état d'urgence, la ministre de la Coopération internationale, Fayza Aboul Naga, a répondu selon la Mena que cela était de « la responsabilité de l'Assemblée du peuple, et non du gouvernement ».

La levée de cette législation qui symbolise la répression et l'arbitraire de l'ancien régime est l'une des principales revendications des mouvements de jeunes militants pro-démocratie qui ont lancé la révolte en 2011.

La loi a permis l'arrestation et l'emprisonnement de milliers d'Égyptiens sans charges et pour des durées indéterminées au cours des dernières décennies.

Mais depuis leur arrivée au pouvoir, les militaires ont eux-mêmes été très critiqués pour avoir jugé des milliers de civils devant la justice militaire, sans possibilité de recours.

« C'est historique parce que l'état d'urgence était l'un des outils de l'État policier de Moubarak », a affirmé à l'AFP Heba Morayef, de l'ONG Human Rights Watch. « Cela dit que l'ère pendant laquelle le ministère de l'Intérieur était au-dessus de la loi et avait un pouvoir illimité est terminée ».

« Malheureusement, cela ne mettra pas fin à la majorité des graves violations dont nous avons été témoins ces derniers 18 mois, parce qu'elles ont été commises par l'armée et légitimées par les tribunaux militaires », a-t-elle estimé.