Le premier ministre libyen a été démis mardi de ses fonctions par le Parlement, à l'issue d'un long bras de fer entre l'exécutif et le législatif qui a quasiment paralysé le pays en proie au chaos et à des velléités séparatistes.

«Le Congrès a voté pour le retrait de la confiance au premier ministre Ali Zeidan avec 124 voix et a chargé le ministre de la Défense Abdallah al-Theni d'assurer l'intérim jusqu'à la nomination d'un nouveau chef de gouvernement dans un délai de deux semaines», a annoncé le Congrès général national (CGN, Parlement), la plus haute autorité politique du pays.

Peu après cette annonce, M. al-Theni a prêté serment devant le Congrès, selon des images de la télévision nationale.

Dans la soirée, le procureur général libyen a émis mardi soir une interdiction de voyage à l'encontre de M. Zeidan.

Selon un document publié par la page Facebook du bureau procureur général, M. Zeidan a été interdit de voyager en raison de son implication présumée dans une affaire de détournement de l'argent public.

Mais selon des médias libyens, M. Zeidan aurait déjà quitté le pays.

Les détracteurs de l'ex-chef du gouvernement au Congrès avaient déjà essayé à plusieurs reprises de faire tomber le gouvernement, mais n'avaient jamais atteint les 120 voix nécessaires sur les 194 élus du CGN.

«Le retrait de confiance du gouvernement» figurait ainsi quotidiennement à l'ordre du jour du Congrès depuis plusieurs mois.

M. Zeidan, un indépendant appuyé par les libéraux, était régulièrement critiqué pour n'avoir pas su rétablir la sécurité en Libye, plus de deux ans après la chute du régime de Mouammar Kadhafi. Il accusait en retour les islamistes de vouloir l'éjecter pour prendre le pouvoir.

À Washington, la porte-parole du Département d'État Jen Psaki a «salué» le travail de M. Zeidan, «qui a dirigé une période fragile de la transition en Libye».

«Nous savons que les transitions politiques prennent du temps, et particulièrement pour passer de quatre décennies de dictature à un système réellement démocratique», a-t-elle ajouté.

Feuille de route 

Mais si le gouvernement était pointé du doigt depuis l'entrée en fonction de M. Zeidan en novembre 2012, le Congrès fait également face de son côté à la grogne.

Sa décision unilatérale fin décembre de prolonger de 10 mois son mandat, jusqu'au 24 décembre 2014, a provoqué la grogne d'une grande partie de la population et de la classe politique, qui réclament désormais sa dissolution.

Sous la pression de la rue, le gouvernement a établi une nouvelle feuille de route prévoyant des élections «anticipées» législatives et présidentielle, avant même l'adoption d'une Constitution.

Mais le Congrès n'a pas donné de calendrier précis et n'a pas trouvé de consensus sur le mode d'élection du président: au suffrage universel ou par le Parlement.

Mardi, le Congrès a finalement décidé par un vote de laisser le futur Parlement, dont la date d'élection n'a pas été fixée, décider de la nature de l'élection présidentielle, a déclaré à l'AFP le député Mohamed Laamari.

Pendant ce temps, des factions et groupes d'ex-rebelles rivaux forment un cocktail dangereux qui pourrait faire basculer le pays dans la guerre civile. Les autorités n'ont jusqu'à présent pas réussi à former une police et une armée professionnelles et, signe de leur faiblesse, elles sont régulièrement la cible d'attaques.

Ali Zeidan a lui-même été enlevé durant quelques heures par un groupe armé en octobre. Le CGN a été aussi attaqué la semaine dernière par des protestataires, et deux députés ont été blessés par balle.

Le Congrès reproche aussi à M. Zeidan de n'avoir pas résolu une crise pétrolière qui dure depuis plusieurs mois, depuis la fermeture des principaux ports pétroliers par des protestataires.

Le chargement d'un pétrolier battant pavillon nord-coréen ce week-end au profit de ces rebelles autonomistes a ravivé les critiques contre le premier ministre, en particulier après l'échec de l'arraisonnement du pétrolier par la marine libyenne.

Excédé, le Congrès a annoncé lundi la formation d'une force militaire chargée de «libérer» les sites pétroliers, une opération qui pourrait raviver des tensions et rivalités tribales et des velléités séparatistes dans l'Est.