Les rebelles libyens ont progressé samedi vers l'ouest depuis Ajdabiya à la faveur des raids aériens de l'Otan, tandis que le pilonnage se poursuivait à Misrata, où l'armée régulière utilise des bombes à sous-munitions.

À Misrata, grande ville côtière à 200 km à l'est de Tripoli assiégée depuis près de deux mois par les forces gouvernementales, les combats ont fait au moins six morts et 31 blessés, selon des sources médicales.

«Aujourd'hui a été très difficile, il y a eu beaucoup de blessés», y compris des enfants, a déclaré samedi à l'AFP Paolo Grosso, un médecin italien envoyé par l'association «Emergency».

Les restes de bombes à sous-munitions de 120, dont les rebelles et l'organisation Human Rights Watch ont dénoncé vendredi l'usage, étaient visibles dans différents quartiers de cette ville, selon un photographe de l'AFP.

Les bombes à sous-munitions peuvent tuer ou mutiler à des dizaines de mètres à la ronde, sur le moment ou longtemps après si les sous-munitions n'ont pas explosé tout de suite. Elles sont interdites par une convention internationale depuis 2010.

«Hier (vendredi), nous avons eu cinq blessés qui ont dû subir une amputation», trois à un pied et deux à une main, a déclaré Mustafa, un kinésithérapeute devenu assistant aux urgences à l'hôpital Hikma.

Une usine de produits laitiers a été bombardée samedi à l'aube. En début d'après-midi, elle était toujours en flammes. «Ils essaient de nous affamer, en attaquant l'usine de produits laitiers, le site de purification de l'eau...», a dénoncé Jiraal, un Libyen installé en Angleterre mais revenu se battre.

Selon un médecin présent sur les lieux, les rebelles ont détruit quatre chars --dissimulés dans des maisons pour éviter les tirs de l'Otan-- lors de l'attaque d'un camp de l'armée régulière.

Sur le plan humanitaire, l'ONG Médecins Sans Frontières (MSF) a annoncé l'évacuation samedi de 99 blessés, dont 10 dans un état «critique», acheminées par mer jusqu'au port tunisien de Zarzis, où ils ont été pris en charge par les autorités sanitaires locales et le Croissant-Rouge tunisien.

Et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé samedi le départ d'un deuxième bateau pour poursuivre l'évacuation des milliers de migrants entassés dans des conditions particulièrement précaires dans un camp près du port de Misrata.

Dans l'Est, longtemps bloqués autour d'Ajdabiya, noeud de communication stratégique à 160 km au sud de leur fief Benghazi, les rebelles ont avancé samedi d'une quarantaine de kilomètres à l'ouest, en direction du site pétrolier de Brega.

Mais à mi-chemin entre les deux villes, distantes de 80 km, des tirs de roquettes des forces gouvernementales ont fait au moins six morts et 20 blessés, selon des responsables de l'hôpital d'Ajdabiya, où les victimes ont été transportées.

Trois morts étaient carbonisés, et de nombreux blessés portaient des marques de brûlures. Certains avaient le corps couvert de pansements et plusieurs devaient être évacués à Benghazi, selon un journaliste de l'AFP.

«J'étais là-bas, au km 40. Il y a beaucoup de petites roquettes Grad qui nous sont tombées dessus», a raconté à l'AFP Maher Salim, un combattant de 30 ans.

Les avions de l'Otan ont intensifié leur activité dans la zone ces trois derniers jours. Selon les rebelles, ils ont mené des raids aériens afin de leur dégager le terrain et faciliter leur progression vers Brega.

Plus à l'ouest, des raids aériens de l'Otan ont visé Syrte, ville natale du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, et la région d'Al-Hira, au sud-ouest de Tripoli, selon l'agence officielle libyenne Jana.

Selon de hauts responsables américains et de l'Alliance atlantique cités vendredi par le Washington Post, les forces de l'Otan se trouvent à court de bombes de précision et d'autres types de munitions, une pénurie qui révèle les limites du Royaume-Uni, de la France et des autres pays européens engagés à mener dans la durée une opération militaire relativement modeste.

Le ministre français de la Défense Gérard Longuet a lui estimé qu'il «y avait un certain risque» que le conflit «puisse durer (...) car Kadhafi et la Libye ne sont pas totalement prévisibles», dans un entretien au quotidien français Le Parisien.

Dans une tribune commune publiée vendredi dans quatre quotidiens, le président américain Barack Obama, le premier ministre britannique David Cameron et le président français Nicolas Sarkozy ont déclaré qu'il était «impossible d'imaginer que la Libye ait un avenir avec Kadhafi».

Selon le New York Times, le gouvernement américain cherche un pays susceptible d'accueillir le colonel, probablement un État n'ayant pas ratifié le Traité de Rome qui oblige les pays à livrer quiconque est inculpé par la Cour pénale internationale.