Les gouvernements d'Emmanuel Macron et de Theresa May ont défendu lundi devant leurs Parlements les frappes occidentales en Syrie, un sujet plus délicat pour la première ministre britannique que pour le président français.

«Notre riposte était amplement justifiée dans ses causes. Dans ses modalités, elle a été soigneusement proportionnée», a vanté le premier ministre français Edouard Philippe, en ouverture des débats sans vote au Parlement français sur l'intervention de samedi, qualifiée de «succès» par M. Philippe.

«Nous avons ainsi envoyé un message ferme, un message clair, un message fort», a poursuivi Edouard Philippe. «Nous voulons dire qu'aucune victoire militaire ne peut impunément être remportée au moyen d'armes chimiques», a-t-il insisté.

Devant un hémicycle clairsemé, le premier ministre a défendu la décision «difficile, légitime», prise par Emmanuel Macron, en assurant qu'«avant d'avoir recours à la force, nous sommes allés au bout de la démarche politique et diplomatique pour faire entendre raison à Damas».

Son homologue Theresa May, s'exprimant également dans l'après-midi devant le Parlement britannique, a quant à elle assuré que le Royaume-Uni n'avait pas lancé les frappes «parce que le président (américain Donald) Trump nous l'a demandé».

«Nous l'avons fait parce que nous croyions que cela était ce qu'il fallait faire», a-t-elle tranché au palais de Westminster, où le souvenir de la polémique intervention militaire britannique en Irak de 2003 reste très vif.

Peu auparavant, le leader de l'opposition, le travailliste Jeremy Corbyn, avait estimé que «le Royaume-Uni devrait jouer un rôle de leader dans la recherche d'un cessez-le-feu dans ce conflit, et non-recevoir des instructions de Washington».

Ces frappes, la première opération militaire d'envergure pour Mme May et M. Macron, ont déjà suscité des réactions d'hostilité dans la classe politique des deux pays, les parlementaires dénonçant l'illégalité des attaques menées sans mandat international.

Le droit «violé»

«En droit international, on ne peut agir que sur la base de preuves affirmées», a sèchement répondu à l'Assemblée nationale française le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, soulignant que les frappes n'avaient pas attendu le travail des enquêteurs de l'Organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui devait commencer ce lundi.

«Nous avons agi sans mandat de l'ONU et nous n'avons tenu aucun compte des organisations régionales», a ajouté M. Mélenchon, citant notamment la Ligue arabe.

«Le président de la République sait très bien qu'il a violé le droit international, il essaie de créer une notion de légitimité internationale», avait déclaré peu avant le débat parlementaire la députée du Front National, Marine Le Pen, finaliste de la dernière élection présidentielle.

Même critique du côté de LR, le chef de file des députés de ce parti de droite Christian Jacob estimant que, «en intervenant sans mandat nous craignons que la France soit un peu plus isolée dans cette région du monde».

Dimanche soir à la télévision, le président français a tenté de déminer préventivement ce terrain de la légalité des attaques en affirmant que «c'est la communauté internationale qui est intervenue». «Vous avez trois membres permanents du Conseil de sécurité (de l'ONU) qui sont intervenus», «dans le cadre strict de cette légitimité internationale», a-t-il déclaré à la télévision.

Emmanuel Macron a pris soin de dire clairement que ces attaques ne constituaient pas une déclaration de guerre à la Syrie, car cela l'aurait mis en porte-à-faux avec la Constitution, dont l'article 35 dispose que «la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement» français.

À Londres, Theresa May avait formellement le pouvoir d'engager son pays dans une action militaire sans consulter le Parlement. Mais depuis l'engagement britannique en Irak, décidé en 2003, une pratique s'est établie, consistant à soumettre les opérations militaires à l'étranger à un vote des députés.

M. Corbyn a ainsi estimé que «le Parlement aurait du être consulté et aurait du voter sur le sujet».