Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a affirmé jeudi que le sort du président Bachar al-Assad serait décidé par les Syriens, dans la première prise de position publique à ce sujet de la nouvelle administration américaine.

M. Tillerson s'exprimait lors d'une visite en Turquie largement axée sur la Syrie, au lendemain de l'annonce par Ankara de la fin de son opération militaire lancée en août dans le nord de ce pays afin d'en chasser les djihadistes du groupe État islamique (EI) et les milices kurdes syriennes.

«Le sort du président Assad, à long terme, sera décidé par le peuple syrien», a déclaré M. Tillerson lors d'une conférence de presse avec son homologue turc Mevlüt Cavusoglu.

L'administration Trump n'a jusqu'à présent pas ou peu donné de signes sur son implication dans les efforts diplomatiques pour tenter de résoudre le conflit qui ravage la Syrie depuis six ans et a fait plus de 310 000 morts.

Ce conflit, qui vient d'entrer dans sa septième année, a en outre fait plus de 5 millions de réfugiés, selon de nouveaux chiffres rendus publics jeudi par le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Le nombre de réfugiés fuyant la Syrie s'est accéléré en début d'année, pour atteindre 5 018 167 à la date du 23 mars, selon les statistiques compilées par le HCR.

L'opposition réclame le départ d'Assad tout comme l'a fait pendant longtemps l'administration de Barack Obama, bien que celle-ci se soit abstenue lors de ses derniers mois au pouvoir de lancer des appels en ce sens, laissant implicitement entendre qu'elle ne serait pas hostile à son éventuel maintien.

Mais l'administration de Donald Trump n'avait pas à ce jour exprimé une position claire sur le sujet. Les déclarations de M. Tillerson semblent même prendre le contre-pied de celles de la représentante américaine à l'ONU Nikki Haley et le porte-parole du département d'État Mark Toner qui ont affirmé il y a quelques jours que le sort d'Assad restait une pierre d'achoppement et qu'il ne pouvait pas faire partie de l'avenir politique de la Syrie.

Les milices de la discorde

M. Tillerson, plus haut responsable de l'administration Trump à se rendre en Turquie, s'est entretenu à Ankara avec le président Recep Tayyip Erdogan et son premier ministre Binali Yildirim.

Des sources à la présidence turque ont indiqué que M. Erdogan a insisté sur la nécessité de coopérer «avec des acteurs convenables et légitimes dans la lutte contre le terrorisme».

La Turquie dénonce régulièrement en effet le soutien apporté par Washington en Syrie aux milices kurdes des YPG dans la lutte contre l'EI. Ankara, qui appuie de son côté d'autres groupes armés sous la bannière de «l'Armée syrienne libre», considère les YPG comme un groupe terroriste émanant du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

M. Tillerson a esquivé plusieurs questions sur le sujet. Saluant la Turquie comme «un partenaire clef» dans la lutte contre l'EI, il a affirmé que les deux pays partageaient le même objectif: «vaincre l'EI».

Ankara affirme vouloir travailler avec ses alliés, mais sans les milices kurdes, à la reconquête de Raqa, la capitale de facto du groupe Etat islamique en Syrie.

«Nous avons discuté aujourd'hui de différentes options qui se présentent à nous et il s'agit pour être franc d'options difficiles», s'est borné à dire M. Tillerson.

«Il n'est pas réaliste de travailler avec un groupe terroriste tout en luttant contre un autre», a pour sa part déclaré M. Cavusoglu au sujet du soutien américain aux YPG contre l'EI.

Ankara a annoncé mercredi soir la fin de son opération «Bouclier de l'Euphrate» dans le nord de la Syrie, sans spécifier si les troupes turques s'en retireraient pour autant.

Dans le cadre de cette opération, les rebelles syriens appuyés par la Turquie ont repris aux djihadistes plusieurs villes dont Jarablos, Al-Rai, Dabiq et enfin Al-Bab, où l'armée turque a subi de lourdes pertes.

Mais la Turquie s'est gardée de lancer des attaques contre des localités tenues par les milices kurdes, dissuadée par les alliances que ces dernières ont nouées avec Washington et Moscou.

«La politique turque vis-à-vis des milices kurdes est dans l'impasse. Ses mains sont liées du fait de ces alliances et ses efforts se sont heurtés à un mur russo-américano-syrien», affirme à l'AFP l'expert Marc Pierini, professeur invité à Carnegie Europe.