La trêve en Syrie semblait de plus en plus fragile mardi, à la veille de la reprise des négociations de paix à Genève, le régime, les djihadistes et les rebelles se préparant pour une bataille décisive dans la province septentrionale d'Alep.

Washington, Paris mais aussi Téhéran se sont dit inquiets d'un récent regain de violences et d'une possible violation du cessez-le-feu instauré par les Américains et les Russes et qui tenait globalement depuis le 27 février.

Qualifiées de «cruciaux» par l'émissaire spécial pour la Syrie Staffan De Mistura, les nouveaux pourparlers intersyriens doivent démarrer mercredi, trois semaines après un premier round n'ayant pas permis d'avancée majeure.

Cette reprise coïncidera avec les élections législatives que le régime de Bachar al-Assad organise mercredi dans les zones qu'il contrôle. Il s'agit du second scrutin depuis le début de la guerre en 2011, qui est dénoncé comme «illégitime» par l'opposition et par les pays occidentaux.

Le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, a fait état d'«une recrudescence notable des opérations militaires, notamment dans la province d'Alep, par rapport au mois de mars».

Les combats font rage entre troupes du régime et ses alliés comme la Russie d'une part et djihadistes d'Al-Qaïda et des alliés rebelles d'autre part sur plusieurs fronts le long de l'autoroute Alep-Damas.

«Alep, la clé» 

Province morcelée entre régime, rebelles, djihadistes et Kurdes, «Alep détient la clé de la paix ou de la guerre en Syrie», a affirmé le directeur de l'OSDH à l'AFP.

Comme le groupe ultraradical État islamique (EI), le Front Al-Nosra est exclu de l'accord de cessation des hostilités. Mais il combat aux côtés de groupes rebelles qui sont concernés par la trêve.

Les affrontements se déroulent notamment à al-Eis, au sud d'Alep, que l'armée tente de reprendre à Al-Nosra qui l'avait conquise fin mars.

Les quartiers rebelles de la métropole elle-même ont été bombardés par les avions du régime lundi, alors que depuis la cessation des hostilités, le nombre de raids de l'armée de l'aire syrienne avait nettement diminué.

Aucune frappe n'a eu lieu mardi mais les gens ont peur de sortir de chez eux.

«J'étais parti en Turquie en 2014 avec ma famille après des raids meurtriers sur l'est d'Alep. Je suis revenu après l'entrée en vigueur de la trêve mais aujourd'hui je crains le même scénario», confie Abou Mohammad, un habitant de 38 ans.

Le Premier ministre syrien Waël al-Halqi avait prévenu dimanche que le régime et ses «partenaires russes» étaient prêts à lancer une offensive pour reprendre Alep.

A Washington, le porte-parole du département d'État Mark Toner a dit la «préoccupation» des États-Unis face aux offensives qui se préparent pour le contrôle d'Alep «alors qu'il y a là-bas des groupes d'opposition concernés par la cessation des hostilités».

«Tout le monde doit se concentrer sur Al-Nosra et Daech», a-t-il affirmé, en référence à l'EI qui a d'ailleurs pris à Al-Nosra la majorité du camp palestinien de Yarmouk, à Damas.

Inquiétude également à Téhéran, principal allié régional du régime syrien, qui a dénoncé des violations du cessez-le-feu à l'occasion d'une visite mardi de M. de Mistura.

«La trêve a donné l'espoir» 

La télévision d'État iranienne a fait état par ailleurs de la mort de quatre soldats iraniens dans des combats avec le Front Al-Nosra au sud d'Alep.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) s'est alarmé mardi des menaces qui pèsent sur la trêve en Syrie, qui a facilité notamment les livraisons d'aides à la population.

«Le cessez-le feu a (...) donné à la population beaucoup plus qu'un simple accès aux marchés, elle leur a donné un accès à l'aide. Elle leur a donné de l'espoir», a déclaré à l'AFP le numéro 2 du PAM, Matthew Hollingworth. «Et la fin du cessez-le-feu doucherait cet espoir».

En visite lundi à Damas, M. de Mistura avait aussi souligné l'importance de préserver la trêve, même si elle reste fragile.

Mardi, le médiateur de l'ONU en Syrie a fait part au Conseil de sécurité de son inquiétude devant l'escalade des combats en Syrie.

S'adressant au Conseil par vidéo-conférence depuis Téhéran, il a déploré «une augmentation du niveau de violence», tout en estimant que cette escalade, surtout marquée à Hama, Damas et Alep, «restait contenue».

Le fossé reste énorme entre régime et opposition sur la question de la transition politique car l'opposition réclame la création d'un corps exécutif doté de tous les pouvoirs mais dont serait exclu le président Assad. Le régime exige quant à lui un gouvernement élargi à des membres de l'opposition et sous la présidence d'Assad.