Le régime syrien a lancé vendredi une vaste offensive près d'Alep pour reprendre une autoroute reliant les grandes villes du pays, la Turquie voisine annonçant avoir abattu un drone, russe selon Washington, ce que dément Moscou.

La Russie, alliée indéfectible du régime de Bachar al-Assad, a annoncé que son aviation avait effectué plus de 650 sorties et mené des raids contre plus de 450 cibles depuis le début le 30 septembre de son intervention en Syrie, où le conflit a fait depuis 2011 plus de 250 000 morts.

La Russie dit bombarder des groupes « terroristes » dont l'organisation État islamique (EI), mais dans le camp opposé Américains, Européens et Turcs, accusent Moscou de cibler avant tout des groupes rebelles qu'ils qualifient de « modérés ».

La Turquie a annoncé que ses chasseurs avaient abattu « conformément (...) aux règles d'engagement » un drone, dont la nationalité n'est pas précisée et qui avait violé son espace aérien près de la frontière syrienne.

Selon un responsable américain, « tout indique » que cet engin est russe mais Moscou a aussitôt assuré que ses drones fonctionnaient « normalement ».

Appuyée par l'aviation russe, l'armée syrienne a ouvert un « nouveau front » près d'Alep (nord) et s'est emparée de deux villages au sud de la ville, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Ces dernières 24 heures, des « dizaines » de frappes russes ont touché ce secteur contrôlé par une mosaïque de groupes rebelles dont le Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, et d'autres groupes islamistes, a-t-il ajouté.

La ville d'Alep est divisée depuis 2012 entre l'ouest aux mains du régime et l'est sous contrôle d'Al-Nosra et ses alliés et de groupes insurgés locaux. L'armée contrôle également des zones à la périphérie nord de la cité et l'EI se trouve dans le nord de la province.

«Effort coordonné»

« Une force militaire massive, soutenue par des véhicules blindés, a avancé vers le sud d'Alep avec une couverture aérienne russe », a indiqué à l'AFP une source militaire.

« Près de 3000 combattants pro-régime sont engagés dans les combats d'Alep, dont des centaines d'Iraniens et de miliciens libanais du Hezbollah ainsi que des Irakiens », a-t-elle ajouté.

D'après un responsable américain, ce serait près de 2000 Iraniens ou combattants soutenus par l'Iran, comme ceux du Hezbollah ou de groupes irakiens, qui participent à cette offensive près d'Alep dans « un effort coordonné » entre l'Iran, la Russie et le régime syrien.

Selon ce responsable, pendant que les Iraniens et leurs groupes affiliés appuient les forces syriennes près d'Alep, les Russes sont en train d'aider l'armée du régime à mener deux offensives visant à « prendre en tenaille » les rebelles dans les provinces centrales de Homs et Hama.

À partir de ces trois axes, l'armée veut reprendre des tronçons d'une autoroute de 360 km reliant Damas à la ville d'Alep, construite dans les années 1960 pour relier les principales villes du pays.

Si le tronçon Damas-Homs est aux mains du régime, la partie de 185 km entre Homs et Alep est aux mains d'islamistes et du Front al-Nosra.

Pour le moment, le régime n'a pas enregistré de succès décisifs, même s'il s'est emparé de plusieurs villages.

Selon le militant d'Alep Mohammad al-Khatib, « il y a eu une avancée de l'armée mais rien de fondamental, car le front est très mouvant. Les rebelles utilisent des missiles antichars TOW contre les chars et la population civile fuit la région à cause des bombardements russes ».

250 124 morts

Les frappes que mènent désormais la Russie en Syrie s'ajoutent à celle de la coalition internationale antijihadistes conduit depuis un an et l'intensification des raids aériens qui en résulte a compliqué l'acheminement déjà difficile de l'aide humanitaire aux millions de personnes qui en ont besoin dans ce pays, a déclaré vendredi à l'AFP le chef des opérations humanitaires de l'ONU.

« Nous n'avons pas pu envoyer autant de convois » qu'il aurait été nécessaire « pour acheminer des aides aux personnes qui en ont besoin », a-t-il souligné.

Déclenché en 2011 par une révolte populaire brutalement réprimée, le conflit en Syrie s'est mué en guerre ouverte très complexe avec une multitude d'acteurs.

Selon un dernier bilan de l'OSDH, 250 124 personnes ont péri, dont 74 426 civils y compris 12 517 enfants. L'OSDH dénombre aussi 43 752 morts parmi les rebelles et 37 010 parmi les combattants étrangers. Du côté des forces prorégime, il y a eu 91 678 morts.

Le conflit a aussi poussé plus de quatre millions de Syriens à fuir leur pays, provoquant une importante crise migratoire.