De violents combats opposaient lundi soldats syriens et déserteurs et des bombardements ont repris à Homs, au premier jour de la mission d'observateurs internationaux chargés d'évaluer le respect d'un fragile cessez-le-feu, après 13 mois de contestation réprimée dans le sang.

Les combats entre soldats et déserteurs ont repris, l'armée a de nouveau bombardé le vieux Homs (centre) dont le contrôle lui échappe toujours et neuf civils ont péri à travers le pays, après que des ambassadeurs occidentaux ont dit douter de la volonté du président Bachar al-Assad de renoncer à la répression.

La mission, votée samedi à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'ONU, s'annonce à haut risque pour les six observateurs non armés déjà sur le terrain sous la direction du colonel marocain Ahmed Himmiche.

«Pas de cessez-le-feu, pas même le début d'un processus politique: cette mission sera une des plus difficiles jamais entreprises par l'ONU», a estimé un diplomate onusien, même si les bilans ont marqué une nette rupture à l'entrée en vigueur du cessez-le-feu après les derniers mois, où les morts se comptaient chaque jour par dizaines.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les violences ont fait une cinquantaine de morts depuis l'entrée en vigueur de la trêve jeudi matin.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exhorté Damas à la «retenue maximale» et l'opposition à «pleinement coopérer», estimant que «la moindre étincelle peut mettre fin à ce processus fragile de cessez-le-feu».

La résolution 2042, la première adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU sur la Syrie depuis le début de la crise en mars 2011, prévoit le déploiement dans les prochains jours de 30 observateurs militaires non armés et stipule que Damas est responsable de leur sécurité.

Dans l'immédiat, le secrétaire général de l'ONU a refusé d'envisager l'option d'une protection militaire pour les observateurs, car «nous pensons que leur liberté de mouvement devrait être garantie».

L'émissaire de la Ligue arabe et de l'ONU Kofi Annan souhaite l'envoi à terme de plus de 200 observateurs en Syrie, mais cela nécessitera une nouvelle résolution et l'arrêt total des violences.

Lundi, la première tâche des observateurs sera «d'établir un quartier général opérationnel» à Damas, a expliqué un porte-parole de l'ONU. Ils prendront ensuite contact avec le gouvernement et l'opposition afin d'expliquer leur rôle, puis se rendront dans d'autres villes pour y établir des bases.

La Syrie a approuvé cette mission «car elle n'a rien à cacher et elle espère que ces observateurs vont transmettre l'image réelle de ce qui se passe sur le terrain», a annoncé dimanche soir l'agence officielle Sana.

Depuis jeudi, les médias syriens rapportent la quasi-totalité des violences signalées par les militants, mais les attribuent systématiquement à des «terroristes». Les autorités ont dénoncé une intensification «hystérique» des attaques de ces «terroristes» et prévenu qu'elles allaient y mettre fin.

Les Comités locaux de coordination (LCC), qui animent la contestation sur le terrain, ont appelé à la création d'une ligne téléphonique permettant la communication entre les militants sur place et les observateurs pour faciliter la surveillance, et demandé la présence d'au moins trois observateurs à chaque manifestation.

Lundi, jour férié en Syrie, des rassemblements anti-régime ont eu lieu à travers le pays, selon les LCC. À Deraa (sud), des vidéos ont montré des centaines de manifestants, portant les drapeaux de l'indépendance et criant leur soutien à l'Armée syrienne libre (ASL), formée essentiellement de déserteurs.

Une vidéo montrait également des centaines de manifestants à Al-Habit, dans la région d'Idlib (nord-ouest), «dénonçant la capitulation internationale» et «soutenant Homs et les régions visées» par les forces du régime.

Outre l'arrêt des hostilités, le plan Annan prévoit le retour de l'armée dans les casernes, le droit de manifester pacifiquement et la libération des personnes arrêtées dans le cadre de la révolte populaire qui secoue le pays depuis mars 2011.

Selon les militants, les chars sont toujours dans les villes et l'armée n'a pas levé ses barrages. De plus, les campagnes d'arrestations se poursuivent: l'OSDH a rapporté lundi l'arrestation d'une journaliste, Marie Issa, et de son mari à leur domicile près de Damas.

Et Anouar Bounni, avocat des droits de l'homme, a affirmé que 42 jeunes étaient toujours en détention après avoir été arrêtés jeudi, jour de l'instauration du cessez-le-feu, lors d'une manifestation devant le Parlement dans le centre de Damas.

Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid al Mouallem doit de son côté se rendre chez son allié chinois ce lundi pour des discussions sur «les efforts de Damas concernant le cessez-le-feu», a annoncé l'agence Chine nouvelle.

La Syrie est en proie depuis le 15 mars 2011 à une révolte populaire sans précédent qui s'est militarisée au fil des mois face à la répression menée par le régime. Les opérations de répression et les combats entre soldats et déserteurs ont fait plus de 11 100 morts en un an, selon l'OSDH.