Le Yémen, seul pays arabe où un soulèvement a abouti à une solution négociée, entame lundi un dialogue national crucial pour l'avenir du pays dont l'unité est menacée par des appels à la sécession du Sud.

La conférence doit s'ouvrir à Sanaa en présence de 565 délégués représentant les partis politiques, le sud du pays, la rébellion nordiste chiite et les composantes de la société civile.

Elle doit élaborer une nouvelle Constitution et préparer pour février 2014 des élections générales, à la fin d'une période de transition de deux ans qui a commencé avec le départ en février 2012, sous la pression de la rue, du président Ali Abdallah Saleh.

Pour assurer la sécurité des participants, les autorités ont interdit le port d'armes à Sanaa et dans les autres grandes villes où elles ont prévu, selon des responsables, le déploiement de quelque 60.000 soldats et policiers.

Prévu pour novembre, le dialogue a pris du retard en raison des réserves du Mouvement sudiste, un groupe autonomiste dont la tendance la plus dure, animée par l'ancien vice-président Ali Salem al-Baïd, revendique une sécession du Sud, un État indépendant jusqu'en 1990.

Ce groupe a appelé à des manifestations contre le dialogue, samedi et dimanche à Aden, la plus grande ville du sud.

«Le président Abd Rabbo Mansour Hadi et l'émissaire de l'ONU au Yémen Jamal Benomar multiplient les efforts pour convaincre les factions réticentes du Mouvement sudiste de participer au dialogue», a déclaré à l'AFP le secrétaire général de la conférence, Ahmed Awadh Ben Moubarak.

Selon lui, «la porte restera ouverte à tous ceux parmi ces factions qui voudraient à tout moment rejoindre le dialogue», soutenu par l'ONU et les monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG), co-parrains de l'accord de transition.

En l'absence du Mouvement sudiste, divisé entre séparatistes et fédéralistes,  «le début du dialogue national sera purement protocolaire», a averti l'analyste yéménite Abdel Ghani al-Ariani.

«Le vrai dialogue ne commencera que lorsque les Sudistes viendront parler d'une seule voix», une perspective qui serait envisageable si «le gouvernement prend l'initiative de satisfaire leurs demandes», a-t-il déclaré à l'AFP.

Les Sudistes réclament une réintégration ou une compensation pour 60.000 fonctionnaires, militaires et policiers licenciés «abusivement» ou mis à la retraite après une tentative avortée de sécession en 1994, ainsi qu'un règlement de la question des terres confisquées par des responsables nordistes.

Si leurs griefs ne sont pas pris en considération, «plusieurs sudistes vont continuer à réclamer la séparation du gouvernement de Sanaa auquel ils ne peuvent pas faire confiance», estime Ibrahim Sharqieh, directeur adjoint de Brookings Doha Center.

«Durant une transition, les mauvaises décisions peuvent miner le processus politique et alimenter le chaos et l'instabilité», prévient ce spécialiste du Yémen dans une étude.

Pour lui, la présence au Yémen de M. Saleh, maintenu à la tête de son parti, le Congrès populaire général (CPG), «complique (aussi) le dialogue national et, partant, le processus de réconciliation».

Outre la question sudiste, le pays est confronté à une tension confessionnelle dans le Nord entre zaïdites (chiites) et sunnites du parti islamiste Al-Islah, à une vague de violences liée à Al-Qaïda dans le sud et l'est et à de sérieuses difficultés économiques.

Le CPG aura 112 représentants, le Mouvement sudiste 85 et les Zaïdites 35.

La conférence doit former neuf commissions spécialisées sur l'ensemble des questions en discussion qui pourront se réunir à Aden et d'autres villes du pays et même à l'étranger, «au siège de la Ligue arabe au Caire ou à celui du CCG à Riyad», selon une source proche des organisateurs.