Depuis l'assassinat vendredi de Wissam al-Hassan, chef de la Sécurité libanaise connu pour ses positions antisyriennes, la tension et la violence grimpent au Liban. Dimanche, les funérailles ont dégénéré en manifestation violente contre le gouvernement, accusé de soutenir le régime syrien.

Hier, les affrontements se sont poursuivis à Tripoli, dans le nord du pays, et ont fait sept morts. L'armée libanaise s'est déployée dans les quartiers sunnites de Beyrouth. Inquiets de voir le pays sombrer dans la violence, les ambassadeurs au Liban des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ont rencontré le président et appelé à «l'unité nationale».

Pour quelles raisons l'assassinat de Wissam al-Hassan provoque cet embrasement?

La mort, dans un attentat à la voiture piégée, de Wissam al-Hassan, chef du renseignement des Forces de sécurité intérieure (FSI), embrase le pays du Cèdre depuis vendredi. Proche de la famille Hariri (l'ancien premier ministre Rafic Hariri, assassiné en 2005, et son fils Saad, l'un des visages de l'opposition actuelle au gouvernement), Hassan était l'un des successeurs potentiels du directeur du FSI. Mais il est surtout l'un des visages de l'opposition à la politique syrienne au Liban, car il a joué un rôle important dans l'enquête sur les nombreux attentats qui ont visé, de 2005 à 2008, des personnalités libanaises antisyriennes, dont Rafic Hariri.

L'été dernier, il a arrêté l'ex-ministre libanais prosyrien Michel Samaha, soupçonné de préparer des attentats à la bombe au Liban pour les services secrets syriens. Dans ses aveux, Michel Samaha a impliqué deux proches du président syrien dans ce complot. Samedi, le président libanais Michel Sleimane et le premier ministre Najib Mikati ont eux-mêmes fait le lien entre cette arrestation et l'attentat.

Pour quelle raison un tel scénario était redouté?

Un affrontement politique sur fond de tensions confessionnelles au Liban est un scénario non seulement envisagé, mais redouté par les observateurs internationaux, rappelle le quotidien Le Monde. La Syrie, qui a dominé la scène politique libanaise pendant des décennies, est en pleine crise. Le régime de Bachar al-Assad a donc tout intérêt à détourner l'attention vers le Liban, selon Houchang Hassan-Yari, professeur au département de sciences politiques et d'économie au Collège militaire royal du Canada. «Avec ce qui se passe aujourd'hui, on parle plus du Liban que de la Syrie», explique-t-il. Mais cette «distraction» ne sera que momentanée. Le gouvernement libanais est dominé par les partis prosyriens et notamment le Hezbollah. «L'élimination de Wissam al-Hassan, ennemi redoutable de la Syrie, arrange le Hezbollah, qui essaie de se situer comme une force dominante sur l'échiquier national et régional, poursuit M. Hassan-Yari. Cela envoie, de plus, un message à la communauté internationale.»

Une démission du premier ministre envisageable?

Saad Hariri, chef du Courant du futur et de la coalition de l'opposition du 14 mars (sunnite et chrétienne), demande la démission du gouvernement. «Nous voulons renverser le gouvernement démocratiquement et pacifiquement, parce que nous ne sommes pas des gens violents», a écrit hier M. Hariri sur son compte Twitter. La démission de Najib Mikati n'a rien d'inenvisageable: il a lui-même évoqué cette possibilité samedi. «Les chances sont grandes, mais il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte. Il faut voir si le président sera en mesure d'accepter cette démission, mais aussi de mesurer les conséquences sur la scène nationale», dit M. Hassan-Yari.

Quel est l'impact régional et international des tensions politiques au Liban?

«On ne peut séparer l'Iran de ce qui se passe au Liban et en Syrie», estime M. Hassan-Yari. En s'attaquant à des ennemis de son régime, le régime syrien, qui lutte toujours pour sa survie, envoie un signal fort à ses voisins. L'Iran continue d'appuyer le Hezbollah et les autorités syriennes. Les tensions régionales risquent de s'intensifier: les assassinats politiques au Liban par la Syrie sont régulièrement dénoncés par les puissances de la région. «Ce sont les pièces d'un casse-tête qui sont en train d'être mises en place», dit M. Hassan-Yari.

LES ACTEURS DU CONFLIT

> Bachar al-Assad: L'opposition libanaise voit dans les événements des derniers jours la main du président syrien Bachar al-Assad. Jusqu'à maintenant, la crise syrienne n'avait pas eu de trop fortes répercussions au Liban. Mais l'attentat de vendredi a fait voler en éclats cette position. 

> Saad Hariri: Fils de l'ancien premier ministre Rafic Hariri, Saad Hariri a lui-même été à la tête du gouvernement de 2009 à 2011. Il est à la tête du parti de l'opposition Courant du futur. Il a lancé un appel au calme après les affrontements de dimanche. 

> Hassan Nasrallah: À la tête du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah a souvent manifesté son soutien à la Syrie dans le passé. Le Hezbollah a admis la présence de ses combattants en Syrie, entre Homs et la frontière libanaise.

- Avec AFP, Reuters, Le Monde, Le Figaro, France 24 et The Guardian