Les législatives en Syrie sont vouées à l'échec, estiment des militants contraints de se réfugier au Liban après avoir participé au mouvement de contestation sans précédent contre Bachar al-Assad.        

Évoquant la répression sanglante qui a fait en plus d'un an plus de 11 100 morts selon des ONG, ils estiment que le premier scrutin «multipartite» lundi en Syrie ne devrait pas changer grand-chose au système autocratique qui régit le pays depuis un demi-siècle.

«Il y a tant de violence en Syrie et manifestement nous n'aurons pas de démocratie», assure Moustafa, 25 ans, volontaire dans un réseau d'aide aux réfugiés implanté dans le nord du Liban.

«Le régime veut accréditer l'idée qu'il bénéficie toujours d'un soutien alors qu'en vérité il est proche de la sortie», assure cet opposant qui a franchi la frontière il y a un an. «Il n'y pas d'autres options pour mon pays que la chute du régime», dit-il avec conviction.

Comme beaucoup d'autres, Moustafa, qui refuse de donner son patronyme pour des raisons de sécurité, a fui son pays après que les forces gouvernementales eurent pris d'assaut sa ville de Banias. Détenu l'an dernier dans cette cité côtière, il a fui au Liban trois jours après avoir été libéré par crainte de se retrouver de nouveau sous les verrous.

Il sait que la porte de son pays lui sera fermée tant que le régime reste en place mais se dit convaincu que la multiplication des manifestations ces derniers jours rongent la puissance du régime.

Samedi, des milliers de personnes ont défilé dans les rues de Kafar Soussé et al-Tadamone à Damas lors de funérailles, défiant les forces de sécurité qui ont tiré des grenades lacrymogènes dans leur direction, assure l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Ils ont appelé à la chute du régime deux jours avant la tenue des législatives et au lendemain de la mort de neuf manifestants dans la capitale.

«Même à Alep où avant les manifestations étaient peu nombreuses, il y a eu des rassemblements dans 64 endroits différents de la ville», se réjouit Alaa al-Ghanem, qui réside désormais à Tripoli, la grande ville du nord du Liban.

Pour lui, le signe le plus tangible de l'échec du régime de Damas, «c'est la présence de dizaines de milliers de réfugiés au Liban, en Turquie et en Jordanie».

«Nous désirons rentrer chez nous, nous en sommes empêchés par la violence. Comment peut-on dire que c'est la démocratie?», argue-t-il.

Au Liban se trouvent 24 000 déplacés syriens, selon les statistiques publiées par le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU, mais les militants estiment qu'ils sont plus nombreux.

Selon Moustafa, le réseau d'aide, dont il s'occupe à Tripoli, en a recensé au moins 30 000.

«Ils ne peuvent pas se permettre de payer une maison et donc la plupart du temps, trois ou quatre familles partagent la même demeure», confie Alaa al-Ghanem.

Contrairement à la Turquie, au nord, il n'y pas de camp au Liban pour accueillir les réfugiés et cela cause de grosses difficultés pour organiser l'assistance, dit-il.

Les difficultés de la vie quotidienne, combinées au coût de la vie exorbitant au Liban ont poussé certains réfugiés à prendre le risque de retourner chez eux en dépit des dangers.

«Certains nous ont dit qu'ils préféraient rentrer en Syrie même s'ils risquent de s'y faire tuer», relate Alaa.

Mais pour Abou Ali, originaire d'Alep et résidant au Liban depuis 1978, ce n'est qu'en votant qu'il y aura du changement.

«Je voudrais que les opposants participent aux élections, car ils doivent comprendre que la liberté viendra par les urnes», dit-il à l'AFP.

Il accuse l'opposition «de pratiquer le meurtre et la destruction. Nous sommes des frères dans le même pays et nous devons vivre ensemble», insiste-t-il.

Pour ce partisan de Bachar al-Assad, «les élections parlementaires, qui seront transparentes, démontreront que nous y vivons en liberté».