Des dizaines de milliers d'Égyptiens sont revenus mercredi place Tahrir, au Caire, pour le premier anniversaire du début de la révolte historique contre le président Moubarak, entre ambiance de fête et appels au départ des généraux au pouvoir.

Islamistes, libéraux, partisans de gauche et citoyens ordinaires se pressaient pour cette «journée de la révolution» sur la place emblématique du mouvement qui mit fin en 18 jours à trente ans de règne de M. Moubarak.

Des manifestations étaient également prévues dans d'autres villes, notamment Alexandrie (nord), ou encore Suez et Ismailiya, en bordure du canal.

Au Caire, les manifestants brandissaient des banderoles festives ou militantes, reflétant leurs désaccords sur ce que cette journée devait symboliser.

Les Frères musulmans, qui dominent l'assemblée récemment élue, étaient présents pour célébrer une révolte qui leur a permis de sortir de la semi-clandestinité et obtenir un triomphe dans les urnes.

Mais les mouvements pro-démocratie, moteurs de la révolte, ont affirmé venir pour poursuivre leur révolution inachevée et demander le départ du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige l'Égypte le départ de M. Moubarak.

«Nous irons à Tahrir pour faire avancer les objectifs de la révolution quoiqu'il advienne», affirmait Hala Rashad, 46 ans, cuisinière dans un restaurant.

«Célébration du premier anniversaire», pouvait-on lire sur une énorme banderole sur la place, où des «comités populaires» fouillaient les gens se rendant au rassemblement.

«Chute du pouvoir militaire», disait une autre.

«Qui saisira l'âme de la révolution?» titrait l'hebdomadaire francophone al-Ahram Hebdo.

Symbole des dissonances de cette journée, une fanfare militaire jouait des hymnes patriotiques, tandis qu'un peu plus loin des manifestants scandaient «à bas le pouvoir militaire!».

L'opposant Mohamed ElBaradei, une des figures de proue de la contestation début 2011, qui s'est retiré récemment de la course à la présidence en estimant que les conditions démocratiques n'étaient pas réunies, devait se rendre place Tahrir dans la journée.

Le pouvoir militaire de son côté a annoncé amnisties, parades militaires et feux d'artifice pour célébrer cet anniversaire, et redorer une image écornée après une année à la tête du pays.

L'Égypte a connu ces derniers mois des élections législatives saluées comme les plus démocratiques depuis la chute de la monarchie en 1952, mais aussi des flambées de violence et une grave crise économique.

Mardi, le CSFA a annoncé la fin partielle de la loi très décriée sur l'état d'urgence, en vigueur depuis 30 ans.

Mais cette législation restrictive pour les libertés publiques et les droits des détenus est maintenue pour lutter contre la «violence» commise par des «voyous», une définition vague qui fait redouter qu'elle ne continue d'être appliquée pour toutes sortes de motifs.

L'organisation Human Rights Watch a estimé que cette levée partielle, entrée en vigueur mercredi, était une «invitation à la poursuite des mauvais traitements».

Les forces de sécurité ont indiqué qu'elles se tenaient en état d'alerte en cas de «tentative de sabotage» des célébrations.

Le ministère de l'Intérieur a toutefois affirmé qu'il n'y aurait aucune présence policière sur le lieu du rassemblement, et que les forces de l'ordre se concentreraient sur la protection des bâtiments publics.

Dans la foulée du soulèvement tunisien, le 25 janvier 2011 avait vu le début de manifestations d'une ampleur inédite sur la place Tahrir et à travers l'Égypte contre Hosni Moubarak, contraint à la démission le 11 février.

M. Moubarak, actuellement en détention dans un hôpital militaire, est jugé pour la mort de manifestants durant la révolte, qui a fait officiellement près de 850 morts. Il risque la peine capitale s'il est reconnu coupable.