Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, en passe de quitter le pouvoir sous la pression de la rue, a demandé pardon à ses compatriotes pour les erreurs de ses 33 ans de règne, avant son départ pour Oman en route pour les États-Unis.

En soirée, M. Saleh a quitté Sanaa pour le Sultanat d'Oman et «doit y passer quelques jours avant son voyage aux États-Unis», a dit à la presse Abdelhafiz al-Nahari, porte-parole du Congrès populaire général (CPG), le parti du président yéménite.

Il «devra recevoir des soins médicaux (aux États-Unis) et ce ne sera pas un voyage officiel», a précisé le porte-parole.

L'annonce du voyage aux États-Unis n'a pas été commentée par Washington.

Accusé de corruption et de népotisme, M. Saleh, 69 ans, contesté dans la rue depuis un an, a accepté de céder le pouvoir en vertu d'un accord sur une transition politique conclu le 23 novembre à Riyad en échange de l'immunité pour lui-même et ses proches.

Mais il restera président honorifique jusqu'au 21 février, date de l'élection présidentielle conformément à l'accord de Riyad. Il avait entre-temps transmis ses pouvoirs à son vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi.

«Je demande pardon à mes compatriotes, hommes et femmes, pour tout manquement pendant mes 33 ans de pouvoir», a déclaré le président yéménite en faisant ses adieux à ses compatriotes dans un discours télévisé, avant son départ de Sanaa.

«Je vais me rendre aux États-Unis pour des soins et je retournerai à Sanaa en tant que président du Congrès populaire général (CPG)», son parti, a dit M. Saleh, blessé dans un attentat contre son palais en juin après lequel il avait été hospitalisé pendant trois mois en Arabie saoudite.

Son départ est survenu au lendemain du vote d'une loi lui accordant l'immunité pour lui et ses proches au Parlement qui a aussi entériné la candidature unique du vice-président Hadi à la présidentielle.

Après ce scrutin, «nous installerons Abd Rabbo Mansour Hadi comme chef de l'État (...) et Ali Abdallah Saleh prendra ses valises et fera ses adieux pour aller s'installer dans sa résidence» privée, a ajouté le chef de l'État.

Il a invité ses partisans à se tenir aux côtés de M. Hadi et appelé à la réconciliation.

Selon des sources diplomatiques à Sanaa, le fils aîné du chef de l'État, Ahmed, commandant de la Garde républicaine, une unité d'élite redoutée, «se trouve au sultanat d'Oman afin d'y préparer la visite de son père».

Oman, voisin du Yémen, a déjà accueilli en 1994 l'ancien vice-président et dirigeant sudiste yéménite Ali Salem al-Baid, contraint au cours de son séjour de 15 ans de s'abstenir de toute activité politique.

Vivement contesté dans la rue où la répression d'un mouvement de protestation populaire a fait des centaines de morts depuis janvier 2011, M. Saleh a tenu à souligner que «si des erreurs avaient eu lieu, elles n'étaient pas délibérées» dans une tentative de calmer les esprits.

Mais des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans la journée à Sanaa pour réclamer son exécution et protester contre la loi lui accordant l'immunité.

«Il est de notre devoir d'exécuter le tyran», «le peuple yéménite a décidé, Saleh doit être exécuté», ont répété les manifestants.

L'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Jamal Benomar, a critiqué cette immunité, soulignant le droit des «victimes» de réclamer des comptes.

«L'ONU a une position de principe à l'égard de ce genre d'immunité absolue», a-t-il dit samedi, appelant à promulguer «une loi sur la justice et la réconciliation» qui permettrait «aux victimes de réclamer des compensations».

Le Yémen, l'un des pays les plus pauvres au monde, est en butte à d'énormes difficultés économiques, outre un courant sécessionniste dans le sud, une rébellion chiite dans le nord et un regain d'activités armées d'Al-Qaïda.