L'étau des forces du Conseil national de transition (CNT) se resserrait lundi autour de Syrte et de Bani Walid, deux des derniers bastions de l'ex-dirigeant déchu Mouammar Kadhafi, qui font l'objet d'un bombardement intense.

Sur le plan politique, les discussions se poursuivaient au sein du CNT pour tenter de former un gouvernement, dont l'annonce est attendue à la fin de la semaine.

Dans le même temps, devant le Conseil de sécurité de l'ONU à New York, Mahmoud Jibril, Premier ministre libyen par intérim, a répété que Mouammar Kadhafi représentait une menace terroriste en Libye, dans la région et dans le monde tant qu'il restait libre, en raison de ses énormes avoirs en «argent liquide et en or».

Selon M. Jibril, même si le colonel Kadhafi arrive à quitter l'Afrique, il peut «revenir à ses pratiques terroristes en fournissant des armes» à des groupes extrémistes.

Dans la région natale de l'ancien «Guide» en fuite, les combattants du nouveau régime libyen assiègent Syrte, à 360 km à l'est de Tripoli.

Aucun combat n'a eu lieu lundi sur le front ouest, selon des commandants du nouveau régime. A l'est en revanche, les forces pro-CNT ont avancé de 10 km et saisi un vaste stock d'armes et de munitions des pro-Kadhafi, qu'ils ont embarqué dans plus d'une dizaine de camions aux cris d'«Allah Abkbar» (Dieu est le plus grand), selon un journaliste de l'AFP.

Dans la soirée, un commandant du CNT a annoncé que des combats se déroulaient près du port de Syrte situé dans la partie orientale de la ville.

«Nos forces combattent près du port pour tenter d'en prendre le contrôle. Il n'est pas encore sous notre contrôle», a déclaré à l'AFP Mustafa bin Dardef, commandant de la brigade de Zintan, qui agit sous les ordres du CNT.

L'Otan a poursuivi ses frappes, concentrées sur Syrte, où l'Alliance a annoncé avoir détruit dimanche des dépôts de munitions et des lance-roquettes. Mais Londres a annoncé lundi le retrait de ses cinq hélicoptères Apache déployés en Libye.

Des milliers de civils ont fui cette ville côtière de 70 000 habitants, où la situation «est très critique», selon Miftah Mohammed, un négociant en poisson fuyant la ville avec une soixantaine de proches dans un convoi de sept voitures.

«Il n'y pas de nourriture, d'eau, d'essence ou d'électricité. Les enfants n'ont plus de lait», a-t-il témoigné, ajoutant que des mercenaires africains, en particulier tchadiens, étaient postés sur les toits pour interdire aux gens de sortir.

La petite clinique de Harawa, à 40 km à l'est de Syrte, a annoncé avoir reçu des dizaines de malades, essentiellement des enfants souffrant de maux liés à l'absence d'eau potable. «C'est une grave crise humanitaire», a déclaré le Dr Valentina Rybakova.

Selon l'ONU, quelque 24 000 personnes ont fui Bani Walid et près de 2000 ont quitté Syrte. Sur le front de Bani Walid, à 170 km au sud-est de Tripoli, les échanges d'artillerie ont été intenses, mais les forces pro-CNT n'ont pas avancé.

«Nous faisons face à une forte résistance, c'est pourquoi nous utilisons l'artillerie lourde sans envoyer l'infanterie pour l'instant», a expliqué le commandant Mohamed al-Seddiq. «La bataille finale aura lieu dans les deux prochains jours».

Ces dernières semaines, les pro-CNT ont perdu plus d'une trentaine de combattants lors de précédentes attaques sur cette vaste oasis au relief accidenté, souvent en raison d'un manque d'organisation. «Mais maintenant tout est sous contrôle», a affirmé le commandant.

Sur le plan politique, des luttes intestines pour le pouvoir retardent la formation d'un gouvernement transitoire annoncé en principe pour cette semaine, ont indiqué à l'AFP des hommes politiques à Benghazi.

L'annonce de ce gouvernement qui doit gérer la transition en attendant de nouvelles élections et la rédaction d'une nouvelle Constitution dans plusieurs mois, était initialement attendue le 18 septembre.

A Tripoli, une conférence berbère sans précédent s'est ouverte sous le slogan «Officialisation de la langue amazigh (berbère) et soutien à l'unité nationale». Les Amazighs représentent 10% de la population libyenne.

«Nous ne sommes pas favorables à la création de partis amazighs mais nous voulons dire au CNT et au futur gouvernement que les Amazighs constituent l'une des composantes politiques», a déclaré Fathi Abou Zakhar, président du comité préparatoire, exigeant que la langue amazigh soit reconnue par la Constitution.

Au Royaume-Uni, le bureau du procureur écossais chargé du dossier de l'attentat de Lockerbie (270 morts en 1988) a annoncé lundi avoir formellement demandé au CNT de mettre à sa disposition des documents et des témoins, expliquant qu'une enquête restait ouverte «concernant l'implication d'autres personnes».

Le ministre libyen par interim de la Justice, Mohammed al-Alagi, a déclaré qu'il n'avait pas reçu cette requête et répété qu'il s'opposait à ce qu'Abdelbaset al-Megrahi, le seul condamné dans l'affaire, soit jugé une deuxième fois. M. Megrahi, libéré en 2009 parce qu'il était atteint d'un cancer en phase terminale, vit toujours à Tripoli.

Parallèlement, le géant pétrolier italien ENI a annoncé lundi que la production avait redémarré sur le gisement d'Abu-Attifel, à 300 km au sud de Benghazi (est). ENI est le premier producteur étranger d'hydrocarbures en Libye, pays dont l'Italie est l'ancienne puissance coloniale.