Au moins 22 civils ont été tués mardi par les forces de sécurité à Hama, ville du nord de la Syrie encerclée par l'armée, les autorités tentant de soumettre cette ville traditionnellement rebelle, alors que les militants ont rejeté tout dialogue de «pure forme» avec le régime.

«Au moins 22 personnes ont été tuées mardi à Hama et plus de 80 ont été blessées, certaines grièvement», a indiqué le chef de l'Organisation nationale des droits de l'Homme Ammar Qorabi.

Les forces de sécurité ont pénétré dans un des hôpitaux, Al-Horani où des blessés avaient été hospitalisés, a-t-il ajouté sans autre précision.

«Des habitants de Hama ont fui en grand nombre vers une ville proche al-Salamya et vers la capitale Damas», a-t-il ajouté en évoquant une «dégradation de la situation sécuritaire» avec «la poursuite des opérations de perquisitions et d'assassinats et des arrestations dans cette cité», par les forces de sécurité syriennes.

Les autorités syriennes, confrontées à un mouvement de contestation inédit depuis le 15 mars, ont envoyé les troupes dans différentes villes syriennes. Mais elles prétendent faire face à des «groupes armés qui sèment le chaos dans le pays».

Amnesty International a dénoncé mercredi la répression par le régime des manifestations pro-démocratiques, qui s'apparente à un «crime contre l'humanité».

L'organisation de défense des droits de l'Homme, qui a son siège à Londres, «considère que les crimes commis (...) s'apparentent à des crimes contre l'humanité car ils s'incrivent visiblement dans le cadre d'une attaque systématique et de grande ampleur contre la population civile».

Lundi, trois personnes, dont un enfant, avaient été tuées à Hama qui a vu plus d'un demi-million de personnes descendre dans les rues vendredi pour dénoncer le régime du président Bachar al-Assad,

Hama est depuis 1982 un symbole historique, après la terrible répression d'une révolte du mouvement interdit des Frères musulmans contre le président Hafez al-Assad, père de Bachar, qui avait fait 20 000 morts.

Les chars sont postés aux entrées de la ville, à l'exception de l'entrée nord, mais ce sont les forces de sécurité et l'Armée populaire (qui relève du ministère de l'Intérieur) qui procèdent aux opérations à l'intérieur de la ville, selon des militants.

Les habitants sont mobilisés. Ils ont pris la décision de défendre jusqu'à la mort leur ville pour ne pas permettre à l'armée d'y entrer, selon Rami Abdel Rahmane, chef de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.

Pour sa part l'agence officielle Sana, a affirmé que «les forces de l'ordre qui sont intervenues pour rétablir la sécurité à Hama, où des actes de sabotage ont lieu, (...) ont été attaquées à coups de grenades Molotov par des groupes armés».

«Lors de heurts avec ces groupes armés, un agent des forces de l'ordre a été tué et 13 autres blessés. Des hommes armés ont également été tués et d'autres ont été arrêtés», selon l'agence.

Par ailleurs, l'armée a pénétré mercredi dans de nouvelles zones à Jabal al-Zaouia, dans la province d'Idleb (nord-ouest). Les soldats sont entrés à Kafar Oueid où des tirs intenses de mitrailleuses lourdes étaient entendus. A Kansafra, ils ont transformé une école en prison et y procèdent à des interrogatoires, selon le chef de l'OSDH.

Dans la même région, plus de 60 personnes ont été arrêtées mardi soir dans les localités de Kafar Noubol et Ihsem. Les forces de sécurité ont arrêté un homme de 85 ans pour contraindre ses enfants à se livrer, et une femme et son enfant ont été également arrêtés pour amener son mari à se livrer aux autorités, selon la même source.

Les militants à la page «Syrian Revolution 2011» ont appelé sur Facebook à des manifestations en Syrie le vendredi 8 juillet qu'ils ont baptisé «non au dialogue». «Des fleuves de sang coulent, les villes sont assiégées. Il n'y a pas de dialogue, le peuple veut renverser le régime», affirment-ils.

Un organisme pour le dialogue national, mis en place par le régime, a appelé des opposants et des intellectuels à des consultations le 10 juillet, pour débattre notamment d'amendements prévus de la Constitution et examiner un projet de loi sur le multipartisme.

Les Comités de Coordination locale, qui chapeautent les manifestants, y ont opposé une fin de non recevoir.

«Cela ne constitue en aucun cas un "dialogue national". Le régime est tombé sur le plan politique et moral, et miser sur lui, ne fera que prolonger la violence qu'il pratique envers les citoyens civils», ont estimé les Comités dans un communiqué.

«Par cette mesure de pure forme, le régime veut calmer les forces internationales, et non pas répondre aux demandes du peuple syrien. Le régime continue d'encercler les villes, et les pilonner par les chars, d'assassiner les manifestants, d'arrêter arbitrairement les gens, de les torturer parfois jusqu'à la mort», ajoute le texte.

Les comités ont affirmé notamment que leur objectif était de «faire disparaître le régime, et de faire transiter pacifiquement la Syrie vers un nouveau système, démocratique, civil et multipartite».