Le président syrien Bachar al-Assad a décrété mardi une amnistie générale s'étendant aux membres des Frères musulmans et aux détenus politiques, a rapporté l'agence officielle Sana.

«Le président Assad a décrété un décret accordant une amnistie générale à tous les crimes commis avant le 31 mai 2011», indique Sana.

«L'amnistie touche tous les détenus politiques ainsi que les membres de la confrérie des Frères musulmans», selon l'agence.

La libération des détenus politiques est l'une des principales revendications des opposants en Syrie, en proie depuis la mi-mars à un mouvement de contestation inédit du régime du président Assad.

Trop peu, trop tard pour l'opposition

L'opposition syrienne réunie à Antalya (sud de la Turquie) a estimé mardi que l'amnistie générale décrétée par le président Bachar al-Assad était «insuffisante» et avait «trop tardé», dans une déclaration à l'AFP.

«C'est une mesure insuffisante, nous avons demandé cette amnistie depuis plusieurs années, mais elle a tardé à venir», a dit Abdel Razak Eid, signataire de la «Déclaration de Damas» lancée en 2005 par un groupe de réformateurs réclamant des changements démocratiques.

«Nous sommes réunis sous le slogan: le peuple veut la chute du régime et nous réclamons des comptes à tous ceux qui ont commis des crimes. Le sang versé ne sera pas vain», a t-il déclaré.

L'opposition syrienne se réunit en congrès de mercredi à vendredi dans la station méditerranéenne turque d'Antalya pour soutenir la contestation contre le régime du président Assad et réclamer «le changement» en Syrie.

La «satisfaction» des militants des droits de l'homme

Des militants des droits de l'homme en Syrie se sont déclarés satisfaits de l'amnistie générale décrétée mardi par le président Bachar al-Assad.

«Nous sommes satisfaits de la promulgation de cette amnistie touchant les détenus politiques. C'est une revendication que nous réclamons depuis des années», a déclaré à l'AFP le chef de la Ligue syrienne des droits de l'homme, Abdel-Karim Rihaoui.

M. Rihaoui a demandé au gouvernement syrien de «prendre des mesures positives supplémentaires en faveur du respect des droits de l'homme».

«Nous réclamons l'abrogation du décret 49» qui punit de mort l'appartenance au mouvement des Frères musulmans, a-t-il ajouté.

La confrérie des Frères musulmans est interdite en Syrie depuis les affrontements sanglants qui l'avaient opposée au pouvoir au début des années 1980. Mais depuis le milieu des années 1990, les Frères musulmans condamnés à mort ne sont plus exécutés, leurs sentences étant commuées en de longues peines de prison.

Le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, Rami Abdel-Rahmane, joint par téléphone à Londres, a estimé pour sa part que «toute mesure prise sur le chemin de la liberté est positive».

«Si elle inclut tous les détenus de conscience, y compris les Frères musulmans, cette mesure est un pas dans la bonne direction», a-t-il dit.

Le président Assad a décrété mardi une amnistie générale s'étendant aux membres des Frères musulmans et aux détenus politiques, a rapporté l'agence officielle Sana.Depuis le début des manifestations, le chef de l'État a annoncé quelques réformes. La première a été de promulguer le 7 avril un décret accordant la citoyenneté à des habitants d'origine kurde qui en ont été privés à la suite d'un recensement controversé en 1962.

Le 21 avril, M. Assad a levé l'état d'urgence, en vigueur depuis près de 50 ans, qui réduisait sensiblement les libertés publiques, et annoncé une série de réformes.

Ainsi une commission a achevé la rédaction d'une nouvelle loi électorale «conforme aux critères internationaux» alors que des «élections libres» sont l'une des exigences du mouvement de contestation. Le projet de loi a été diffusé lundi sur l'internet et publié par des médias.

De plus, une commission pour rédiger une loi autorisant les partis politiques en Syrie sera formée prochainement, a annoncé mardi le quotidien officiel as-Saoura.

Mais en dépit des promesses de réformes politiques, la répression des manifestations s'est poursuivie.

Selon des groupes de défense des droits de l'homme, plus de 1100 civils ont été tués et au moins 10 000 personnes ont été interpellées en Syrie depuis le début du mouvement de contestation le 15 mars.

Le pouvoir syrien a envoyé ces dernières semaines l'armée dans différentes villes, notamment à Tall Kalakh (150 km au nord-ouest de Damas), Homs (centre), Banias (nord-ouest) et Deraa (sud), foyers de la révolte.

Les militants politiques appellent les autorités à introduire «un véritable changement démocratique» et réclament notamment des lois modernes, sur les élections, les partis politiques et la presse, une nouvelle Constitution qui mettrait fin à la suprématie du parti Baas au pouvoir depuis 1963, ainsi que la libération de tous les détenus politiques.

Bachar al-Assad a succédé à son père Hafez al-Assad à la tête de l'État après la mort de ce dernier en 2000.