Les forces de l'ordre bahreïnies ont pris mercredi le contrôle du centre de la capitale Manama après un assaut contre des manifestants chiites qui a fait cinq morts, le pouvoir décrétant un couvre-feu nocturne de craintes de nouveaux troubles.

Face à la répression sanglante menée par la dynastie sunnite au pouvoir dans le petit archipel de Bahreïn, siège de la Ve flotte américaine, le président Barack Obama a exprimé aux rois saoudien et bahreïni sa «profonde inquiétude» lors d'appels téléphoniques.

Sa chef de la diplomatie Hillary Clinton, disant qu'il n'y avait «pas de réponse sécuritaire» à la contestation, a jugé que les Etats du Golfe étaient «sur la mauvaise voie» après l'envoi lundi de soldats saoudiens et de policiers émiratis pour venir en aide au pouvoir à Bahreïn.

Plusieurs pays, mouvements ou communauté chiites au Moyen-Orient ont de leur côté condamné l'assaut contre les manifestants chiites qui réclament depuis le 14 février des réformes et la démission du gouvernement.

L'Iran chiite a rappelé son ambassadeur à Manama «pour protester contre le meurtre du peuple de Bahreïn», au lendemain d'une mesure similaire prise par Bahreïn pour protester contre les critiques iraniennes des renforts du Golfe.

Au lendemain de la proclamation de l'état d'urgence par le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa, les policiers de la force anti-émeutes ont violemment délogé le matin les manifestants campant sur la place de La Perle à Manama depuis près d'un mois.

Des centaines de policiers, arrivés à bord de tanks, de véhicules de transport de troupes et de bus, ont pris le contrôle de la place, épicentre de la contestation, après avoir lancé des dizaines de grenades lacrymogènes sur les manifestants et tiré au fusil de chasse.

«Nous avons maintenant trois morts et un grand nombre de blessés», a déclaré à l'AFP un député de l'opposition, Khalil Marzouk, du mouvement chiite Wefaq. «La situation est catastrophique. Les forces ont tiré à balles réelles».

Le ministère de l'Intérieur a fait état de deux policiers tués, renversés par des véhicules de manifestants, ce qui porte à quatre le nombre de policiers tués de cette manière en deux jours.

Depuis le début de la contestation, une quinzaine de personnes ont été tuées, dont quatre policiers, selon un bilan de l'AFP.

Aucune présence de civils n'était visible à Manama après l'entrée en vigueur dans le centre de la capitale du couvre-feu de 16h00 à 04h00 locales. Seuls les véhicules de la police et de l'armée gardaient les rues vides de toute circulation automobile.

Les autorités ont également interdit les marches et rassemblements à travers le petit archipel peuplé en majorité de chiites.

Le ministère de l'Intérieur a par ailleurs indiqué avoir repris le contrôle de l'hôpital de Soulaymania, le plus grand de Manama, où étaient retranchés des protestataires.

Peu après, le ministre de la Santé Nizar Baharna, un chiite, a annoncé sa démission et douze juges chiites ont pris la même décision pour protester contre «l'usage excessif de la force» contre les manifestants.

Le chef du Wefaq, cheikh Ali Salmane, a dénoncé l'assaut et affirmé que «la solution ne viendra pas des canons. «Dans cette situation nous ne pouvons pas parler d'un dialogue».

Le pouvoir a proposé à l'opposition dominée par les chiites un dialogue, mais les opposants ont exigé au préalable la démission du gouvernement.

Les protestataires ont occupé la place de la Perle le 19 février pour exiger des réformes politiques, voire, pour certains, le départ de la dynastie sunnite gouvernant le pays depuis plus de 200 ans.

Face à la répression des manifestants chiites, le guide spirituel des chiites en Irak, le Grand Ayatollah Ali Sistani, a appelé le pouvoir à «cesser les violences».

Des manifestations de soutien aux chiites bahreïnis ont eu lieu, en Irak, en Arabie saoudite, au Liban et au Koweït.

Paris a déploré les violences alors que Berlin, critiquant à demi-mots les renforts, a recommandé à ses ressortissants de quitter Bahreïn, de même que la Belgique