L'armée française a mené des frappes aériennes intenses contre des positions des groupes armés islamistes dans la région de Kidal, dans l'extrême nord-est du Mali, près de la frontière algérienne, où un haut responsable du mouvement Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) a été arrêté.

C'est autour de Kidal, dans le massif des Ifoghas, que seraient détenus les sept otages français au Sahel, selon Paris. Evoquant leur sort samedi, François Hollande a jugé que «les ravisseurs doivent comprendre que le moment est venu de libérer les otages», ajoutant que les forces françaises au Mali en étaient désormais «tout près».

Le président nigérien Mahamadou Issoufou a aussi jugé dimanche que les quatre otages français enlevés au Niger en septembre 2010 étaient «vivants» et qu'ils se trouvaient «probablement» dans le nord du Mali, «vers la frontière avec l'Algérie, dans les montagnes des Ifoghas».

La zone de Tessalit, à 200 km au nord de Kidal, près de l'Algérie, a été la cible dans la nuit de samedi à dimanche «d'importantes frappes aériennes», selon le porte-parole de l'armée française, le colonel Thierry Burkhard.

Il a précisé que ces bombardements visaient «des dépôts logistiques et des centres d'entraînement» des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda, un peu plus de trois semaines après le début de l'intervention militaire française.

C'est aussi dans cette vaste zone de montagnes et de grottes autour de Kidal que, selon des experts et des sources de sécurité régionales, une bonne partie des chefs et des combattants des groupes islamistes se sont réfugiés.

Parmi eux, se trouveraient l'Algérien Abou Zeïd, un des émirs les plus radicaux d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Iyad Ag Ghaly, chef d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), un ex-rebelle touareg malien des années 1990, originaire de Kidal qui connaît parfaitement la région.

L'un d'entre eux, Mohamed Moussa Ag Mouhamed, présenté comme le numéro trois d'Ansar Dine, a été arrêté dimanche dans cette région.

«Mohamed Moussa Ag Mouhamed, celui qui ordonnait de couper les mains (à Tombouctou), a été arrêté par un groupe armé. Il est conduit vers Kidal», a annoncé une source de sécurité malienne jointe depuis Gao (nord-est). L'information a été confirmée par un fonctionnaire au gouvernorat de Kidal, Abdoulaye Touré.

«C'était l'idéologue d'Ansar Dine à Tombouctou (nord-ouest), la tête pensante de l'organisation là-bas. Il a été arrêté à In Hallil, près de la frontière algérienne par un groupe arme allié. Il est en route pour Kidal», a précisé Abdoulaye Touré, sans plus de détails.

Les sources n'ont pas précisé qui avait arrêté Mohamed Moussa.

«Police islamique»

Kidal, à 1500 km de Bamako, a longtemps été le bastion d'Ansar Dine. Mais, avant même l'arrivée dans la nuit du 29 au 30 janvier de soldats français qui ont pris le contrôle de l'aéroport de la ville, elle était passée sous le contrôle du Mouvement islamique de l'Azawad (MIA, groupe dissident d'Ansar Dine) et du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg).

Ces deux groupes ont affirmé soutenir l'entrée des soldats français à Kidal, mais refusent la présence de militaires maliens et ouest-africains, notamment par crainte d'exactions contre les membres des communautés arabe et touareg de la ville, parfois assimilés aux groupes islamistes armés.

Un petit contingent de soldats tchadiens (dont le pays ne fait pas partie de l'Afrique de l'Ouest) est aussi déployé à Kidal.

Mohammed Moussa, présenté par des habitants de Tombouctou comme un Touareg originaire de la région, a été décrit comme le responsable de la «police islamique» faisant régner la terreur, selon des témoignages recueillis ces derniers jours dans cette ville par des journalistes de l'AFP.

Aqmi et Ansar Dine, qui ont occupé Tombouctou pendant dix mois, ont commis dans le Nord de très nombreuses exactions, au nom d'une interprétation rigoriste de la charia (loi islamique): amputations, coups de fouets aux couples «illégitimes», aux fumeurs.

Ils ont imposé le port du voile intégral aux femmes, interdit la mixité dans les écoles, le football, la danse, la musique et l'alcool.

Ils ont également choqué le monde en détruisant à Tombouctou des mausolées de saints musulmans adulés par les populations locales, assimilant cette vénération à de «l'idolâtrie», mutilant cette ville qui fut capitale culturelle de l'islam en Afrique sub-saharienne et qui est inscrite au patrimoine mondial de l'humanité.

A Alger, le ministre algérien des Affaires étrangères Mourad Medelci a estimé dimanche qu'en dépit du recul des islamistes, «les Maliens et ceux qui les aident» font encore face à des «problèmes» pour «rétablir la stabilité et la sécurité», sans réagir aux bombardements français dans la région de Kidal.

L'Algérie, qui partage près de 1400 km de frontières terrestres avec le Mali, a toujours milité en faveur d'une solution politique pour régler le conflit dans ce pays, mais elle a autorisé le survol de son territoire par les avions militaires français engagés au Mali.

Samedi, le chef de l'État français - «Papa François Hollande», comme l'ont surnommé les habitants de Tombouctou, «frère de tous les Maliens», selon le président par intérim Dioncounda Traoré - a promis aux Maliens que la France n'avait pas encore «terminé sa mission» face aux «terroristes» et assuré que les soldats français seraient au côté des militaires maliens pour, «plus au Nord, finir cette opération».

De son côté, l'ancien Premier ministre français Alain Juppé a appelé dimanche au déploiement «très très rapidement» de la force militaire de formation de l'armée malienne approuvée à la mi-janvier par l'Union européenne, jugeant même que, sur le dossier du Mali, «l'Europe a été nulle».

«Il faut que tout ceci se mette en place très très rapidement», a dit M. Juppé, qui fut également ministre des Affaires étrangères à la fin du quinquennat Sarkozy (2011-2012), à la chaîne de télévision i-Télé à propos de cette mission baptisée EUTM, destinée à former et à réorganiser l'armée malienne.