La riposte promise par la France aux sanglants attentats de Paris se poursuivait mardi, avec de nouveaux bombardements en Syrie et une offensive diplomatique pour trouver une coalition unique face aux djihadistes de l'État islamique (EI).

Pour la deuxième fois en 24 heures, l'aviation française a bombardé dans la nuit le fief de l'EI à Raqqa, dans le nord de la Syrie, larguant 16 bombes et détruisant un «centre de commandement» et un «centre d'entraînement», a affirmé le ministère français de la Défense.

La France poursuivra «ces frappes au cours des semaines à venir», a prévenu le président François Hollande, qui a promis de «détruire» l'organisation djihadiste et son «terrorisme de guerre».

Le porte-avions Charles-de-Gaulle appareillera jeudi pour la Méditerranée orientale, au plus proche du théâtre syrien, ce qui permettra de «tripler les capacités d'action» de l'aviation française.

Dans un discours au fort accent martial lundi devant le Parlement, le chef de l'État français a souhaité «unir» l'action des forces françaises avec celles de la Russie et des États-Unis contre l'EI.

«Monstres psychopathes»

La Syrie et la lutte contre l'organisation djihadiste ont été au coeur d'un entretien mardi matin entre François Hollande et le secrétaire d'État américain John Kerry, qui a exprimé la «détermination» des deux alliés à «combattre et vaincre ensemble» les «monstres psychopathes» de l'EI.

Le président Hollande se rendra la semaine prochaine à Washington et Moscou pour rencontrer Barack Obama et Vladimir Poutine, et tenter de parvenir à une coalition unique contre l'EI.

Il s'est entretenu avec son homologue iranien Hassan Rohani pour «marquer l'importance» des négociations en cours entre grandes puissances sur le conflit syrien et de la lutte contre Daech.

La France a par ailleurs demandé l'assistance de l'Union européenne, invoquant l'article 42-7 des traités européens -encore jamais utilisé dans l'histoire de l'UE-, qui prévoit une clause de solidarité en cas d'agression contre un pays de l'UE. Les États membres ont exprimé un «soutien unanime» à cette demande, selon la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

Elle permettra d'établir rapidement et précisément l'aide que chaque pays est prêt à apporter concrètement à la France.

Sur le front intérieur, après les 168 perquisitions et 23 interpellations du week-end, les forces de l'ordre ont procédé à 128 nouvelles perquisitions en France dans la nuit de lundi à mardi.

À ce jour, l'enquête sur les tueries, qui ont fait vendredi 129 morts et 352 blessés près du Stade de France, dans la salle de concert du Bataclan et dans plusieurs bars et restaurants de la capitale, a permis l'identification de cinq des sept kamikazes.

Mais la traque d'un suspect-clé, possible huitième auteur des attentats, se poursuit, ainsi que l'identification des cadavres déchiquetés des deux derniers kamikazes.

Le passeport d'un soldat mort

«Nous n'avons pas encore la vision du nombre de personnes impliquées dans les attentats», a reconnu mardi le premier ministre Manuel Valls.

Selon le président Hollande, «les actes de guerre de vendredi ont été décidés et planifiés en Syrie, préparés et organisés en Belgique, perpétrés sur notre sol avec des complicités françaises».

Quatre des kamikazes jusqu'à présent identifiés sont Français: Samy Amimour (28 ans), Omar Ismaïl Mostefaï (29 ans), Bilal Hadfi (20 ans) et Brahim Abdeslam (31 ans).

Le cinquième était muni d'un passeport syrien dont l'authenticité «reste à vérifier», au nom d'Ahmad Al Mohammad, 25 ans, un migrant dont les empreintes concordent avec «celles relevées lors d'un contrôle en Grèce en octobre», selon la justice française. Le passeport pourrait néanmoins correspondre à celui d'un soldat du régime de Bachar al-Assad tué il y a plusieurs mois, selon une source proche de l'enquête.

Face à une montée du discours antimigrants porté par les extrêmes droites européennes, le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a appelé les États à ne pas revenir sur leurs promesses d'accueil de migrants et réfugiés, essentiellement des Syriens qui arrivent en Grèce.

Au moins trois des kamikazes français jusqu'à présent identifiés sont allés combattre en Syrie au cours des deux dernières années.

Les enquêteurs ont aussi dans leur viseur un djihadiste belge en Syrie, Abdelhamid Abaaoud, qui pourrait être «l'inspirateur» des attaques. Cet ancien petit délinquant de 28 ans est apparu à visage découvert à plusieurs reprises dans la propagande de l'EI et semble avoir monté en grade -à l'image d'autres francophones- dans la hiérarchie de l'organisation de Daech, qui reste néanmoins dominée par ses cadres irakiens et arabes.

Paris déprimé

En Belgique, deux suspects ont été inculpés. Mais une vaste opération policière dans le quartier populaire bruxellois de Molenbeek n'a pas permis d'appréhender un suspect-clé des attaques, Salah Abdeslam, 26 ans, visé par un mandat d'arrêt international, et dont le portrait a été placardé par tous les médias.

Une voiture, qui pourrait avoir servi à la préparation des attentats, a été retrouvée mardi matin dans le nord de Paris, selon des sources policières.

Lundi devant le Congrès, le président français a annoncé la prolongation de l'état d'urgence pour trois mois, une prochaine révision de la Constitution qui permette de «gérer l'état de crise», le renforcement des forces de l'ordre et un très net durcissement de sa politique sécuritaire.

L'atmosphère dans les rues de Paris restait pesante mardi, avec toujours le traumatisme du carnage, et la psychose de nouvelles attaques.

Mardi soir à Londres, l'équipe de France de football affrontera l'Angleterre pour une rencontre amicale, où le public devrait rendre hommage aux victimes des attentats.