Il y a quelques années, ses partisans rêvaient de le voir à la Maison Blanche. Aujourd'hui, Arnold Schwarzenegger quitte le pouvoir en Californie sans avoir réussi à changer la culture politique de Sacramento, son grand projet. Retour sur sept années tumultueuses.

Depuis des années, une tente beige de style bédouin est érigée sur la pelouse du Capitole, à Sacramento, siège du gouvernement de la Californie.

La tente mesure 2 m sur 3. Elle contient une table, des chaises en osier, un humidificateur à cigares et une petite bibliothèque où sont alignés des livres écrits par Arnold Schwarzenegger.

C'est là que le gouverneur tenait la plupart de ses rendez-vous: il pouvait ainsi fumer tranquillement sans contrevenir à la loi antitabac des immeubles publics.

À bien des égards, la tente, que Schwarzenegger a installée peu après son arrivée au pouvoir, est le reflet de son règne en Californie: iconoclaste, plus grand que nature, inventif et un peu rigolo.

Au bout du compte, le legs du gouverneur pourrait bien être aussi durable que la petite tente. À l'aube de son départ, après sept années tumultueuses, le governator est plus impopulaire que jamais. Il laisse les finances de l'État dans une situation critique, à des années-lumière de ce qu'il avait promis lors de sa première campagne.

«Le problème de Schwarzenegger, c'est qu'il a placé la barre très haut durant sa campagne électorale, explique Jaime A. Regalado, directeur de l'Institut d'études politiques de la California State University. Une fois qu'il a eu le pouvoir, il a réalisé que l'on ne dirige pas un État comme on dirige une carrière au cinéma.»

Magnétisme et détermination

Avec un taux de chômage de 12,4% (la moyenne nationale est de 9,8%), la Californie vit des jours sombres. Schwarzenegger n'est bien sûr pas responsable de la récession qui frappe les États-Unis. Mais on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec son prédécesseur, Phil Angelides.

Lors de son installation après le rappel du gouverneur Angelides par la population, en 2003, Schwarzenegger a dit: «Cette élection ne portait pas sur le remplacement de mon prédécesseur ou d'un parti politique. Elle portait sur le changement complet du climat politique de notre État. Mon administration n'est pas motivée par la politique. Elle est motivée par le but de sauver la Californie.»

Sept ans plus tard, cette formule est toujours d'actualité. Le prochain gouverneur, Jerry Brown, qui entrera en fonction le 3 janvier 2011, dit qu'il est l'homme qu'il faut pour «sauver la Californie».

Schwarzenegger a d'abord cru que son magnétisme et sa détermination allaient créer un effet rassembleur chez les élus du Capitole. La réalité s'est révélée bien différente.

«Les élus n'aiment pas que le gouverneur les tienne pour acquis. Surtout s'il a un ego aussi massif que celui d'Arnold Schwarzenegger», explique M. Regalado.

Contrairement aux gouverneurs qui l'ont précédé, Schwarzenegger n'a pas emménagé à Sacramento. Matin et soir, le gouverneur faisait donc l'aller-retour à bord de son avion privé entre Los Angeles et Sacramento, ville tranquille, pas très festive, où les restaurants ouverts après 21h se comptent sur les doigts d'une main. Les élus n'ont pas apprécié.

«Très vite, le gouverneur a cherché à imposer son style: celui d'un dirigeant peu enclin à assister aux réunions de travail des élus ou à se mêler des détails des projets de loi, dit M. Regalado. Au fond, Arnold avait de bonnes intentions, mais il était naïf.»

En 2005, après l'échec d'un vaste référendum qui visait à briser le pouvoir des syndicats de la fonction publique, à réduire les dépenses et à donner plus de pouvoir au gouverneur, Schwarzenegger a décidé de courtiser la gauche. «Je n'ai pas le choix de bien m'entendre avec les démocrates: je dors avec l'une d'entre eux chaque soir», avait dit à l'époque le gouverneur, en référence à sa femme, Maria Shriver.

En tendant une branche d'olivier aux progressistes, il a réussi à trouver des appuis, notamment sur les questions environnementales. Or, ce changement de cap a déplu aux républicains, qui se sont retournés contre lui.

L'environnement avant tout?

Son legs le plus durable est la loi AB 32, qui vise à combattre les gaz à effet de serre, une initiative qui est devenue une référence nationale. En entrevue avec La Presse, le directeur du Sierra Club en Californie, Bill Magavern, estime que le gouverneur a fait un bon coup en plaçant la lutte contre les changements climatiques au coeur de ses priorités. «Arnold a beaucoup fait pour cet enjeu», dit-il.

«Cela dit, dans les autres dossiers, comme les transports, l'eau et les produits toxiques dans l'environnement, le gouverneur n'a pas démontré le leadership promis. Il a plié sous la pression des intérêts privés, auxquels il ne s'est pas vraiment attaqué», dit M. Magavern.

Aujourd'hui, à peine 23% des Californiens sont satisfaits du travail de Schwarzenegger. Ce qui ne veut pas dire que les gens ne l'aiment pas personnellement, note M. Regalado. «Les gens ont une opinion plutôt favorable de l'homme, mais ils sont déçus des résultats de son administration.»

Dans un bilan du mandat de Schwarzenegger publié plus tôt ce mois-ci, le Sacramento Bee a résumé la situation en termes clairs: «Les historiens les moins polarisés et les plus prudents attendent avant de mesurer le legs du gouverneur. Mais une chose est indéniable: Schwarzenegger aura été divertissant.»