Ciblée par des caméras antiterroristes, la communauté musulmane de Birmingham se dit victime d'une chasse aux sorcières. Accablée par les critiques, la police tente de limiter les dégâts et de regagner la confiance des résidants.

L'avenue Alum Rock pourrait bien être surnommée le «Petit Pakistan» de Birmingham. Des hommes en tunique et des femmes aux mille et un voiles déambulent chaque jour entre le restaurant Khyber Pass, la banque islamique et le salon de coiffure Imran. Et depuis peu, ils le font sous l'oeil éteint de caméras de surveillance.

Au nombre de 216, ces caméras ont été installées en douce dans trois quartiers musulmans au printemps. Les nouvelles caméras ont été bien accueillies, jusqu'à ce que leur provenance soit révélée: elles avaient été payées par l'unité antiterroriste du ministère de la Défense.

Depuis, des citoyens en colère crient à la discrimination.

Ils ont obtenu un moratoire sur l'usage des caméras; elles sont maintenant recouvertes d'une bâche bleue jusqu'à ce que leur sort soit décidé.

Les militants ne baisseront toutefois pas les armes tant que les miradors sophistiqués resteront en place. Ils étaient une dizaine à distribuer des tracts sur Alum Rock lors du passage de La Presse. «Si les gens ne se battent pas, ces caméras seront bientôt dans mon quartier», dit Raj Rattu, 35 ans.

Pendant ce temps, Steve Jolly, un des piliers de la résistance, tentait de convaincre un commerçant que ses droits humains étaient en jeu. Mais Mohammed Aigaz, propriétaire de la boutique Silk Touch, ne se laissait pas émouvoir.

«Si je n'ai rien à me reprocher, je ne vois pas en quoi je devrais m'inquiéter. Je n'ai pas peur qu'on me prenne pour un terroriste», dit-il.

Quelques minutes plus tard, deux jeunes femmes signaient la pétition des militants. «C'est vrai qu'il y a des extrémistes dans le quartier. Mais pourquoi mettre tout le monde sous surveillance?» demande Mageena Bashir. «C'est du racisme», dit son amie Sonia Kumaru.

«Combattre le crime»

Confrontée, la police de Birmingham a d'abord expliqué en avril qu'elles servaient à combattre le crime. Un argument qui a volé en éclats lorsque le Guardian a révélé qu'un département de lutte contre le terrorisme avait financé l'opération de 3,5 millions de livres sterling.

Depuis, les autorités tentent de payer les pots cassés. La chef de police Sharon Rowe s'est excusée et a promis que 72 autres caméras secrètes seraient retirées.

La police régionale de Thames Valley fait sa propre enquête. Le rapport est attendu le 30 septembre. Un comité spécial à la ville de Birmingham, où un habitant sur cinq est de confession musulmane, se penche également sur le manque de transparence des forces de l'ordre.

En attendant les conclusions des enquêtes, la police, qui consultera la population sur l'avenir des caméras, ne souffle mot aux médias.

L'opération policière n'était cependant pas sans fondement. Birmingham menace de devenir un foyer de l'extrémisme musulman en Angleterre. Dans une affaire récente, Parviz Khan et quatre complices avaient comploté en 2007 d'enlever et tuer un soldat britannique de religion musulmane. Ils purgent une peine de prison de 14 ans.

«Plusieurs dizaines de suspects ont été arrêtés lors de divers coups de filet, confirme Tahir Abbas, sociologue et spécialiste de la radicalisation de l'islam. Certains ont été relâchés, d'autres attendent leur procès.»

Néanmoins, de bonnes relations entre musulmans et policiers sont plus efficaces contre le terrorisme que des «caméras d'espionnage», croit Salma Yaqoob, conseillère municipale. «Elles ont anéanti une confiance qui découlait d'années d'efforts», écrit la politicienne voilée sur son blogue.