Diane Abbott aimerait entrer dans l'histoire. Elle a été la première Noire élue au Parlement britannique en 1987. Et hier, la députée de 56 ans s'est lancée dans la course à la direction du Parti travailliste, vacante depuis le départ de Gordon Brown. Elle devra surmonter deux obstacles majeurs : le sexisme de ses confrères et les squelettes dans son placard.

Peu de politiciens britanniques peuvent se vanter d'inspirer les jeunes adultes de 17 ou 18 ans. Diane Abbott est accueillie comme une vedette au collège Bsix, dans l'est de Londres. La députée de Hackney, un quartier défavorisé, signe des autographes dans l'auditorium où elle doit annoncer sa candidature à la direction du Parti travailliste.

 

Des femmes à la crinière crépue et des hommes coiffés du bonnet musulman applaudissent la femme vêtue sobrement.

Pendant que Diane Abbott rappelle ses batailles pour les libertés civiles, des étudiants la prennent en photo avec leur téléphone.

«Elle ouvre des portes pour nous, dit Sade Neil, 18 ans, après le discours. Grâce à elle, je réalise que tout est possible pour une femme noire, même diriger le pays.»

Sa popularité à Hackney, où les restaurants de jerk chicken et de kebab ont pris le pas sur les pubs, ne fait que grandir. Malgré la débâcle travailliste aux dernières élections, elle a devancé ses adversaires de 14 000 voix, remportant 55% du vote de sa circonscription. Son meilleur résultat depuis son accession à la Chambre des communes, il y a 23 ans.

Chaque résidant a une histoire concernant «Diane». «C'est grâce à elle si je suis toujours dans ce pays, dit Janette Collins, d'origine jamaïcaine. Elle m'a aidée quand j'avais des problèmes d'immigration.»

Sexisme au Parlement

Son parcours jusqu'à la tête du Parti travailliste est toutefois parsemé d'écueils. Diane Abbott a seulement recueilli l'appui d'un autre député, David Lammy. Elle a besoin de 33 signatures de collègues d'ici au 9 juin pour officialiser sa nomination.

La fille d'immigrants jamaïcains doit donc séduire le tiers des 90 députés travaillistes qui n'ont toujours pas misé sur un cheval. Elle pourrait bien tirer avantage de sa différence: les cinq autres candidats, dont les frères Miliband, sont des hommes blancs de plus de 40 ans.

Elle claironne sur toutes les tribunes: «Si ce n'est pas maintenant, quand? Et si ce n'est pas moi, qui?» «C'est bon pour le Parti travailliste, dit James Macintyre, chroniqueur politique à l'hebdomadaire de gauche New Statesman. Cela aurait été inquiétant de ne pas voir de femmes descendre dans l'arène.»

Il n'empêche que la culture «macho» au Parlement a la vie dure, soutient l'analyste. D'ailleurs, aucune ministre sortante n'a voulu se risquer.

Squelettes

Comme pour lui donner raison, Alastair Campbell, ténor très influent du parti, s'est moqué des prises de position de Diane Abbott jeudi soir, disant que les travaillistes ne survivraient pas cinq minutes sous sa direction.

Mais c'est peut-être le passé de Diane Abbott qui pourrait annihiler ses chances. Son ex-mari a révélé en 2003 qu'elle avait inscrit en secret leur fils dans une école privée. Or, Diane Abbott avait vilipendé Tony Blair pour avoir fait la même chose quelques années plus tôt.

Des tenants de la gauche ont crié au sacrilège; les autres l'ont qualifiée d'hypocrite. Elle a commis l'«indéfendable», a-t-elle admis en 2003.

Hier, Shami Chakrabarti n'était nullement troublée par cette controverse passée. «Diane est une vraie championne des droits de la personne», a dit cette célèbre militante britannique, venue entendre le discours de l'ambitieuse politicienne.