Vérification faite, le discours que Barack Obama prononcera aujourd'hui à l'adresse des écoliers américains ne contient aucune propagande socialiste, contrairement aux prévisions de ses détracteurs.

«Et peu importe ce que vous voulez faire de votre vie - je vous garantis que vous aurez besoin d'instruction pour le faire», dira le président américain devant des élèves de Virginie, dans une allocution que pourront diffuser en direct - ce n'est pas une obligation - les écoles publiques des États-Unis.

Il ajoutera: «Et ce n'est pas seulement important pour votre propre vie et votre propre avenir. Ce que vous ferez de votre scolarité décidera rien de moins que de l'avenir de ce pays.»

La Maison-Blanche a cru bon de publier à l'avance le discours du président pour apaiser les commentateurs et les parents conservateurs qui craignent que Barack Obama ne transmette aux petits Américains des idées socialistes.

Controverse surréaliste? Ce ne serait pas la seule à avoir vu le jour au cours des dernières semaines. Mais la réaction défensive de la Maison-Blanche illustre à quel point les critiques conservateurs les plus féroces, voire outranciers, réussissent à imposer leurs points de vue dans les débats politiques actuels.

Un autre exemple a été donné dans la nuit de samedi à dimanche lorsque le conseiller spécial de la Maison-Blanche pour les «emplois verts», Van Jones, a démissionné. Désigné par l'hebdomadaire Time comme l'une des 100 personnalités les plus influentes au monde, Jones était depuis plusieurs jours dans le collimateur de l'animateur de la chaîne Fox News Glenn Beck, qui l'avait notamment qualifié de «communiste». De leur côté, des élus républicains avaient réclamé son départ vendredi, après qu'un site conservateur eut découvert son nom au bas d'une pétition datant de 2004 et réclamant une enquête pour déterminer si l'administration Bush «n'avait pas volontairement permis que les attaques du 11 septembre aient lieu, peut-être comme prétexte pour déclarer la guerre».

C'est dans ce contexte délétère que le président Obama se présentera demain soir devant le Congrès pour tenter à nouveau d'imposer sa vision dans le débat sur la réforme du système de santé, un chantier dont le succès ou l'échec pourrait définir sa présidence.

Des démocrates sceptiques

Durant toute la pause parlementaire d'août, ce débat aura été dominé par des voix conservatrices et républicaines qui se sont exprimées dans les médias ou les réunions publiques d'un bout à l'autre du pays. Leurs objections, légitimes ou tendancieuses - certains commentateurs ont associé la réforme au nazisme - se sont ajoutées à celles des démocrates modérés du Sénat et de la Chambre des représentants.

À ce stade-ci du débat, le défi de Barack Obama consiste moins à convaincre des élus républicains d'appuyer sa réforme qu'à obtenir un compromis entre les différentes factions démocrates. Il devrait ainsi définir de façon plus explicite les paramètres d'un projet qui inclurait notamment un système controversé d'assurance santé publique à créer en parallèle aux assurances privées existantes.

«Le Congrès et le pays sont engagés depuis plusieurs mois dans un débat vigoureux», a déclaré le président hier à Cincinnati lors d'un pique-nique organisé par l'organisation syndicale AFL-CIO. «Et ce débat est une bonne chose, car nous devons faire les choses comme il faut. Mais vient un moment dans chaque débat où il faut décider, où il faut agir. Et ce moment est arrivé.»

La controverse autour de la réforme du système de santé a coïncidé avec une chute de la cote de popularité de Barack Obama, qui était supérieure à 60% au printemps dernier. Celle-ci est tombée à 52,8% selon la moyenne des sondages compilés par le site RealClearPolitics.

Mais la santé n'est pas le seul dossier controversé que doit gérer Barack Obama en cette rentrée. Celui-ci devra notamment décider s'il enverra des renforts militaires en Afghanistan, où les Américains sont engagés dans un conflit de plus en plus meurtrier et de moins en moins populaire. Selon un sondage publié la semaine dernière, six Américains sur 10 sont désormais opposés à cette guerre.

L'ironie veut que le président ait sans doute besoin de l'aide des républicains s'il veut continuer le combat contre les talibans en Afghanistan. Un tel scénario ne manquerait pas d'ajouter à la déception de ses partisans progressistes, qui le soupçonnent déjà d'être prêt à des compromis qu'ils jugent inacceptables en matière de santé.

«Oui, nous pouvons», scandaient les partisans de Barack Obama il y a un an. Et l'écho de répondre: «Peut-être pas.»