Des centaines de milliers de citoyens français exaspérés par la crise économique ont défilé hier dans les grandes villes du pays dans l'espoir de convaincre le gouvernement de «faire plus» pour protéger les emplois et les salaires.  

La plus importante manifestation est survenue à Paris à l'appel des grands syndicats du pays, qui avaient décidé il y a un mois de la tenue d'une vaste journée de grève interprofessionnelle pour faire entendre leurs doléances.

À la place de la Bastille, fonctionnaires, enseignants et lycéens ont uni leurs voix pour dénoncer la «politique catastrophe» du président Nicolas Sarkozy. Nombre d'employés du secteur privé s'étaient aussi déplacés pour fustiger les «excès» des grandes entreprises.

C'était le cas notamment de Norbert Vaginay, employé du géant pharmaceutique Pfizer, qui craint l'abolition prochaine de son poste.

«Le problème avec les compagnies pharmaceutiques, c'est qu'elles se gavent toujours plus... Quand on fait 17 milliards de profits par année, on peut accepter de n'en faire que 15 pour sauver des emplois», a indiqué l'homme de 52 ans.

Près de lui, une collègue brandissait une affiche montrant un doigt d'honneur qui symbolisait la réponse de la direction aux demandes syndicales.

Michel Battiau, qui défilait avec la veste couverte de collants revendicateurs, en avait contre la volonté du gouvernement de privatiser l'association de formation professionnelle qui l'emploie.

Le chef d'État français, a-t-il déclaré, veut «tout privatiser». «Il est en train de nous retirer en un an et demi le résultat de 50 années de revendications sociales», a déploré l'homme de 61 ans.

Comme d'habitude, la grève a forcé nombre de Parisiens à faire preuve de créativité pour leurs déplacements même si le métro fonctionnait à près de 75% de sa capacité. Inconvénients ou pas, plus des deux tiers de la population française ont indiqué dans un sondage qu'il était «justifié» de tenir une journée de grève dans le contexte actuel.

Le Parti socialiste a indiqué hier que la population s'estimait «incomprise» par le gouvernement. Son porte-parole, Benoît Hamon, a plaidé au passage pour la remise en cause d'un paquet fiscal qui a, selon lui, largement bénéficié aux classes les plus aisées de la société.

Dans leur manifeste, les syndicats à l'origine de la manifestation ont déploré que les salariés, les demandeurs d'emploi et les retraités soient les «premières victimes» de la crise alors qu'ils «n'en sont en rien responsables».

Le gouvernement, disent-ils, devrait veiller à protéger les emplois et à améliorer le pouvoir d'achat des Français plutôt que de soutenir à coups de milliards les grandes entreprises.

La réplique est venue du ministre du Budget et de la Fonction publique, Éric Woerth, qui avait invité il y a quelques jours les travailleurs français à se «retrousser les manches» plutôt que de faire grève.

Il a exclu que les manifestations puissent infléchir la politique du gouvernement, qui rechigne à stimuler la consommation en octroyant une aide directe à la population.

Bien que le président soit demeuré discret hier, son entourage suivait de près le déroulement de la journée. L'Élysée craint que la grogne sociale qui se manifeste en France éclate en un conflit de rue incontrôlable similaire à celui qui a secoué la Grèce en décembre dernier.

«Les Français adorent quand je suis avec Carla (Bruni) dans le carrosse mais en même temps, ils ont guillotiné le roi... Au nom d'une mesure symbolique, ils peuvent renverser le pays», a prévenu récemment le chef d'État.