Kim Jong-un a évoqué mardi à Pékin avec le président chinois Xi Jinping son sommet historique avec le président américain Donald Trump, une visite qui illustre les efforts de la Chine pour jouer «un rôle constructif» dans le dossier nucléaire.

La venue du dirigeant nord-coréen en Chine, la troisième depuis mars, survient alors que Pékin est engagé dans une vive escalade avec M. Trump sur le différend commercial sino-américain, escalade qui a fait baisser mardi les places boursières.

La télévision d'État chinoise CCTV a diffusé des images de la rencontre entre MM. Xi et Kim accompagnés de leurs épouses lors d'une cérémonie d'accueil dans le cadre solennel du Palais du peuple.

Objectif de Pékin: faire en sorte que son allié de la guerre de Corée (1950-53) reste bien dans son orbite et ne bascule pas du côté américain, en dépit des offres de développement économique faites par Donald Trump.

«Nous espérons que la Corée du Nord et les États-Unis concrétisent les résultats du sommet (de Singapour)», a déclaré Xi Jinping, cité par CCTV. «La Chine continuera comme toujours à jouer un rôle constructif», a-t-il promis.

«Le récent sommet (Kim-Trump) a obtenu des résultats qui correspondent aux intérêts de toutes les parties et aux attentes de la communauté internationale», lui a répondu Kim Jong-un. «Si les deux parties parviennent progressivement à appliquer les consensus du sommet, cela ouvrira une nouvelle et importante phase pour la dénucléarisation de la péninsule coréenne», a-t-il souligné.

Fin mars, le dirigeant nord-coréen avait effectué dans la capitale chinoise son premier déplacement à l'étranger depuis son arrivée au pouvoir fin 2011, avant un deuxième voyage en mai dans la ville portuaire de Dalian, dans le nord-est de la Chine.

Xi et Kim ne s'étaient auparavant jamais rencontrés. Pyongyang reprochait à son principal allié d'appliquer les sanctions internationales destinées à convaincre la Corée du Nord d'abandonner son programme nucléaire.

L'homme fort de Pyongyang cherche à obtenir un assouplissement des sanctions économiques en échange de ses promesses de dénucléarisation et espère le soutien de la Chine dans cette démarche.

«Le moment venu»

La diplomatie chinoise, à l'instar de la Russie, avait suggéré la semaine dernière que l'ONU pourrait envisager d'alléger les sanctions si Pyongyang se conformait à ses obligations.

La Chine a fait savoir qu'elle voulait un rôle prépondérant dans les négociations. Comme un symbole de l'influence de Pékin, M. Kim est même arrivé au sommet de Singapour à bord d'un avion d'Air China.

Cette rencontre historique entre Donald Trump et Kim Jong-un a débouché sur une déclaration dans laquelle le dirigeant nord-coréen réaffirmait «son engagement ferme et inébranlable envers la dénucléarisation de la péninsule» coréenne.

Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a exclu cependant qu'en échange les sanctions économiques drastiques imposées au Nord au fil de ses essais nucléaires et balistiques soient levées avant une dénucléarisation complète.

Depuis son arrivée au pouvoir début 2017, Donald Trump a appelé la Chine à appliquer les sanctions de l'ONU pour faire plier Pyongyang, mais les deux pays sont à présent au bord de la guerre commerciale, Pékin ayant dénoncé mardi le «chantage» de Washington, qui a menacé de taxer des centaines de milliards de dollars d'importations chinoises.

«Je pense que la Corée du Nord est une carte que Pékin peut utiliser pour gagner en influence dans les négociations (commerciales) avec Washington», déclare à l'AFP Yang Moo-Jin, professeur à l'Université d'études nord-coréennes de Séoul.

Marche à suivre

La priorité de Xi Jinping et de Kim Jong-un est désormais de décider de la marche à suivre, estime Hua Po, un analyste politique indépendant basé dans la capitale chinoise.

«La Chine et la Corée du Nord veulent renforcer leur communication et élaborer une stratégie globale dans leur relation avec les États-Unis», a-t-il déclaré à l'AFP.

Pékin avait proposé l'an dernier la suspension du programme nucléaire nord-coréen en échange de la fin des manoeuvres militaires conjointes américano-sud-coréennes, une concession que Donald Trump a finalement accordée la semaine dernière, ajoutant même que les troupes américaines présentes en Corée du Sud pourraient à terme quitter le pays.

Alors que le gouvernement chinois attendait habituellement que M. Kim soit rentré dans son pays pour officialiser sa visite, Pékin a cette fois annoncé sa présence dès mardi.

«Je pense que la Chine a convaincu la Corée du Nord que les voyages de haut niveau comme celui-ci ne peuvent plus être gardés secrets», juge M. Yang, le professeur de Séoul. «Kim Jong-un cherche également à renvoyer à la communauté internationale une image de dirigeant normal d'un pays normal.»