Séoul a tiré des coups de semonce lundi contre un patrouilleur nord-coréen, nouvel incident entre les deux Corées après le lancement par Pyongyang d'une fusée à longue portée «condamné fermement» par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Selon le ministère sud-coréen de la Défense, un bâtiment nord-coréen a franchi en mer Jaune la frontière disputée par les deux pays peu avant 07h00. «Il a rapidement battu en retraite après les tirs de semonce de la marine sud-coréenne», a déclaré un responsable du ministère.

Les incidents comme celui survenu lundi sont assez fréquents entre les deux Corées, qui ne sont pas d'accord sur la localisation de leur frontière maritime en mer Jaune, et débouchent rarement sur quelque chose de plus grave.

Mais la Corée du Sud est en état d'alerte renforcée après le quatrième essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier et le tir de dimanche, qui a suscité un tollé international.

Dimanche soir, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est engagé à «adopter rapidement une nouvelle résolution», en chantier depuis plusieurs semaines, pour alourdir les sanctions contre Pyongyang.

Les membres du Conseil de sécurité ont dénoncé des «violations dangereuses et graves» des résolutions de l'ONU, qui interdisent à Pyongyang toute activité nucléaire ou balistique sous peine de sanctions.

La Chine s'est ralliée à cette déclaration largement symbolique mais n'a donné dimanche aucune indication qu'elle était prête à accroître nettement la pression sur son allié.

Les négociations entre Washington et Pékin sur une nouvelle résolution piétinent en raison des réticences chinoises.

Pour l'ambassadeur chinois Liu Jieyi, la résolution devra «réduire la tension, oeuvrer à la dénucléarisation et au maintien de la paix et de la stabilité et promouvoir une solution négociée».

Son homologue russe Vitali Tchourkine a plaidé pour une résolution «raisonnable, (...) qui ne mène pas à l'effondrement économique de la Corée du Nord», une des hantises de Pékin.

«Missiles balistiques»

Selon le Conseil, le tir nord-coréen a «utilisé la technologie des missiles balistiques». Il contribue ainsi «au développement par la Corée du Nord de systèmes de vecteurs d'armes nucléaires», c'est-à-dire de missiles intercontinentaux à tête nucléaire capables d'atteindre les États-Unis.

Le fait que le dernier étage de la fusée équipée d'un satellite soit parvenu à atteindre son orbite n'a pas pu être confirmé. Mais un responsable américain de la défense a déclaré qu'un engin semblait «avoir gagné l'espace».

Une présentatrice de la télévision officielle nord-coréenne a expliqué que ce tir, ordonné personnellement par le dirigeant Kim Jong-Un, avait permis «de placer en orbite avec succès notre satellite d'observation de la Terre Kwangmyong 4».

La Corée du Nord ne fait qu'exercer son droit légitime à une utilisation «pacifique et indépendante» de l'espace, a-t-elle ajouté.

Pyongyang soutient que son programme spatial est purement scientifique mais la communauté internationale l'accuse de couvrir ainsi des essais de missiles balistiques.

Les responsables américains et sud-coréens de la défense ont annoncé l'ouverture immédiate de pourparlers sur le déploiement en Corée du Sud d'un système de défense antimissiles américain.

La Chine, qui s'est bornée à «exprimer ses regrets», a déjà fait savoir qu'elle était fermement opposée au déploiement de ce système dit THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) si près de sa frontière, assurant que de telles initiatives pouvaient porter préjudice à la stabilité de la région.

L'entêtement nucléaire nord-coréen contrarie vraisemblablement Pékin. Mais l'idée qu'un effondrement du régime nord-coréen permette l'avènement d'une Corée réunifiée alignée sur les États-Unis lui est plus intolérable encore.

Moment bien choisi

Les États-Unis, Tokyo et Séoul avaient averti la Corée du Nord qu'elle payerait un prix très lourd pour tout lancement de fusée mais, d'après les analystes, Pyongyang a soigneusement choisi son moment pour minimiser les répercussions.

«La Corée du Nord a vraisemblablement fait le calcul qu'avec un lancement aussi rapproché de son essai nucléaire, les sanctions consécutives à cet essai ne seraient renforcées qu'à la marge», a commenté Alison Evans, analyste chez IHS Jane's.

Le dernier tir de fusée nord-coréen datait de décembre 2012.

Les spécialistes estiment que la Corée du Nord est encore loin de pouvoir développer un programme crédible de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM).

D'après eux, mettre une fusée en orbite est plus simple que maîtriser la technologie nécessaire à la rentrée dans l'atmosphère, après la phase de vol balistique, d'un missile équipé d'une charge nucléaire.

Selon John Schilling, ingénieur en aérospatiale, «la Corée du Nord n'a jamais démontré qu'elle était capable de construire un véhicule pouvant rentrer dans l'atmosphère et survivre».