Le Conseil de sécurité de l'ONU a menacé mercredi d'alourdir les sanctions pesant sur la Corée du Nord qui a annoncé avoir mené avec succès son premier essai de bombe à hydrogène, une affirmation mise en doute par les États-Unis.

Les 15 pays membres - y compris la Chine, seul allié de Pyongyang - ont annoncé qu'ils allaient travailler sur des «mesures supplémentaires significatives» afin de les inclure dans une nouvelle résolution de l'ONU, dont la négociation devrait prendre plusieurs jours.

La déclaration ne précise pas les mesures envisagées mais, selon des diplomates de l'ONU, il s'agit de renforcer l'arsenal des sanctions, par exemple en allongeant la liste des individus et entreprises sanctionnés pour leurs liens avec le programme nucléaire nord-coréen.

Le Conseil a réaffirmé que l'essai nord-coréen était «une violation flagrante» de plusieurs résolutions qui interdisent à la Corée du Nord toute activité nucléaire ou balistique.

Cet essai, présenté par Pyongyang comme celui d'une nouvelle bombe à hydrogène, a été accueilli avec le plus grand scepticisme par Washington et les spécialistes du secteur, qui jugent trop faible la puissance apparemment dégagée par l'explosion.

Selon Josh Earnest, porte-parole de la Maison-Blanche, l'analyse initiale menée par les services de renseignement américains «n'est pas cohérente avec les affirmations de la Corée du Nord selon lesquelles elle a mené avec succès son premier essai de bombe à hydrogène».

Les bombes A libèrent une énergie déclenchée par la fission d'éléments comme l'uranium ou le plutonium. Leur puissance est bien moindre que celle de bombes à hydrogène - ou thermonucléaires - qui utilisent d'abord la technique de la fission, puis celle de la fusion nucléaire dans une réaction en chaîne.



Engin miniaturisé ?


«Le premier essai de bombe à hydrogène de la République a été mené avec succès à 10h» (01h30 GMT), avait annoncé mercredi la télévision officielle nord-coréenne, précisant que l'engin était «miniaturisé». «Avec le succès parfait de notre bombe H historique, nous rejoignons les rangs des États nucléaires avancés», avait-elle ajouté.

La télévision a montré un ordre signé de la main du dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un, daté du 15 décembre, donnant le feu vert au test et accompagné d'une exhortation à entamer 2016 au «son exaltant de la première explosion d'une bombe à hydrogène».

La Corée du Sud et le Japon voisins ont dénoncé une «violation» flagrante des résolutions de l'ONU, imités par l'Union européenne, Londres, Paris et Moscou.

La Chine, principal allié de la Corée du Nord, s'est dite «fermement opposée» à cet essai et la Maison-Blanche a promis une réaction «appropriée» aux «provocations» de Pyongyang. Le président américain Barack Obama devait s'entretenir mercredi par téléphone avec le premier ministre japonais Shinzo Abe et la présidente sud-coréenne Park Geun-Hye.

Le mois dernier, Kim Jong-Un avait laissé entendre que son pays avait mis au point une bombe H, une déclaration déjà largement mise en doute par les spécialistes internationaux.

Affront flagrant

«Les données sismologiques suggèrent que l'explosion a été considérablement moins forte que celle qu'on attendrait d'un essai de bombe H», a déclaré le spécialiste australien Crispin Rovere. «À première vue, il semblerait qu'ils aient mené un essai nucléaire réussi mais n'ont pas réussi à mener à bien la deuxième étape, celle de l'explosion d'hydrogène».

Pour Bruce Bennett, analyste à la Rand Corporation, «cette arme avait probablement la taille de la bombe américaine d'Hiroshima mais ce n'était pas une bombe à hydrogène. On a affaire à de la fission». «Le "bang" qu'ils auraient obtenu aurait été 10 fois supérieur à ce qu'ils ont obtenu».

D'après les estimations initiales du ministère sud-coréen de la Défense, la bombe était d'une puissance de six à neuf kilotonnes, semblable à l'énergie émise lors du dernier test de 2013. Le premier essai américain de bombe H en 1952 a libéré une énergie de 10 kilotonnes.

La plupart des spécialistes estimaient que Pyongyang était à des années de pouvoir développer une bombe thermonucléaire mais étaient divisés quant à ses capacités de miniaturiser l'arme atomique. La miniaturisation permet de monter l'arme nucléaire sur des ogives de missiles.

Bombe H ou pas, ce quatrième essai nucléaire nord-coréen constitue un affront flagrant envers les ennemis comme les, rares, alliés de Pyongyang, qui l'ont averti que le prix à payer pour la poursuite de son programme nucléaire serait très élevé.

La Chine acteur clé

Le fait que les précédentes sanctions internationales n'aient pas empêché la Corée du Nord de procéder à ce test devrait susciter des appels à des réactions plus dures cette fois-ci.

Barack Obama avait qualifié en 2014 la Corée du Nord «d'État paria» et promis des sanctions plus fermes en cas de nouvel essai.

L'attitude de la Chine sera observée de près. Pékin a fait pression par le passé pour limiter la portée des sanctions, mais semblait s'impatienter ces derniers temps du refus de Pyongyang d'abandonner son programme nucléaire.

«Pékin fera l'objet de pressions croissantes pour punir et faire rentrer Kim Jong-Un dans le rang, et contraindre au bout du compte Pyongyang à abandonner ses armes nucléaires», a expliqué Yanmei Xie, analyste chargé de l'Asie du Nord-Est pour le International Crisis Group.

Mais de l'avis des spécialistes, la capacité d'action de Pékin est limitée par ses craintes de voir ce pays s'effondrer et que naisse à sa frontière une Corée réunifiée soutenue par les États-Unis.

Pékin s'efforce de réactiver des pourparlers à six (Corée du Nord, Corée du Sud, États-Unis, Russie, Chine, Japon) sur le programme nucléaire nord-coréen, au point mort depuis 2008. Ce quatrième essai pourrait sonner le glas des espoirs de ranimer ce processus.