Un homme a été tué et plusieurs ont été blessés dimanche soir en marge d'une grande manifestation d'opposition au Cambodge, signe d'une crispation croissante autour du résultat contesté des élections législatives.

«Je l'ai vu mort de mes propres yeux», a déclaré à l'AFP Ou Virak, président du Cambodian Center for Human Rights, une ONG respectée. Des journalistes, notamment du Phnom Penh Post, ont également vu son corps, dont une photographie circulait dimanche soir sur Twitter.

Le président du Cambodian Center for Human Rights a assuré que le manifestant avait «reçu une balle dans la tête» au cours de ces affrontements qui se sont produits à quelques kilomètres du lieu de la manifestation autorisée.

Celle-ci avait rassemblé dans le parc de la Démocratie 20 000 opposants au premier ministre Hun Sen et à son parti victorieux des législatives de fin juillet.

Kheng Tito, porte-parole de la police militaire, a refusé de confirmer la présence d'un mort et a fermement démenti tout usage de balles réelles du côté des forces de l'ordre.

«La police militaire n'a utilisé que des bâtons et des boucliers et la police que du gaz lacrymogène. Nous n'avons pas eu recours à des balles réelles», a-t-il ajouté.

Il a néanmoins admis que les autorités avaient mis fin par la force à une «manifestation illégale» en fin de journée, au cours de laquelle des contestataires ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre, alors que tout rassemblement était prohibé après la tombée de la nuit.

Plusieurs témoins, dont Ou Virak et des photographes de presse, ont également vu des blessés, dont deux avec des blessures par balles, qui ont été hospitalisés.

Samedi, une amorce de médiation entre le premier ministre Hun Sen et l'opposant Sam Rainsy avait pourtant eu lieu, sous l'égide du roi Norodom Sihamoni.

Les manifestants munis de banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Où est mon vote?» ont parcouru dix kilomètres entre le siège du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) et le parc de la Démocratie, également appelé parc de la Liberté.

Nouvelle manifestation lundi, non autorisée

Nombre d'entre eux venus de province, étaient équipés de sacs à dos. Le CNRP a appelé à trois jours de manifestation, mais le pouvoir n'a autorisé que le défilé dominical, laissant craindre de nouvelles violences lundi.

«Mes frères, sauver la nation est une mission importante», a déclaré Sam Rainsy en s'adressant à la foule, réclamant un nouveau comptage des bulletins de vote.

Les députés de l'opposition n'assisteront pas à l'ouverture de la session parlementaire le 23 septembre, mais participeront lundi à de nouvelles négociations avec le le Parti du peuple cambodgien (CPP) de l'inamovible Premier ministre Hun Sen.

IL n'y aura toutefois «aucune discussion sur le partage du pouvoir» sans une enquête sur les soupçons de fraude électorale, a-t-il averti.

De nombreux policiers étaient visibles dimanche à Phnom Penh, au lendemain de la découverte, selon les autorités, d'une bombe artisanale près du Parlement et d'armes près du parc de la Démocratie.

«Nos votes nous ont été volés», a confié Srin Chea, 56 ans, originaire de la province de Kandal (sud). «Je suis en colère. Je réclame justice. Je ne crains pas de mourir».

Sam Rainsy a qualifié de «premier pas» sa rencontre éclair avec Hun Sen. Cette rare médiation avait nourri les espoirs d'une sortie du conflit qui se poursuit depuis les élections législatives de fin juillet.

Selon les résultats définitifs publiés dimanche dernier, le CPP conserve sa majorité au Parlement avec 68 sièges contre 55 au CNRP.

L'opposition réclame une enquête sur les fraudes par une commission indépendante. Mais Hun Sen, au pouvoir depuis 28 ans et dont le gouvernement est accusé de réduire ses opposants au silence, a assuré qu'il resterait premier ministre et formerait un nouveau gouvernement même si l'opposition boycottait le nouveau Parlement.