Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a déclaré envisager la construction de nouveaux réacteurs, cinq jours seulement après son entrée en fonction et malgré l'opposition d'une grande partie de la population au nucléaire depuis l'accident de Fukushima. Le gouvernement précédent au pouvoir avait d'ailleurs promis de sortir du nucléaire d'ici 30 ans.

Les principaux médias nippons ont relayé lundi des propos tenus par M. Abe dimanche sur la chaîne de télévision privée TBS, au lendemain de sa visite sur le site de la centrale Fukushima Daiichi, gravement endommagée après le tsunami du 11 mars 2011.

«Les nouveaux réacteurs seront différents de ceux construits il y a quarante ans, de ceux de Fukushima Daiichi qui ont entraîné la crise», a expliqué le chef du gouvernement, d'après un extrait cité par le quotidien Mainichi.

«Nous les construirons en expliquant au public à quel point ils sont différents, de façon à gagner sa compréhension», a souligné M. Abe, selon le journal Nikkei rapportant une autre citation de la même interview télévisée.

Considéré comme plus favorable à l'énergie nucléaire que le gouvernement de centre gauche sortant, M. Abe, un conservateur, avait jusqu'à présent simplement fait savoir qu'il accepterait le redémarrage des réacteurs jugés sûrs par l'Autorité de régulation.

Parmi les 50 réacteurs du Japon, 48 sont maintenus à l'arrêt en raison des nouvelles mesures de sécurité exigées depuis l'accident de Fukushima, la pire catastrophe du secteur depuis celle de Tchernobyl en 1986.

Quelque 160 000 personnes ont quitté la région contaminée dont une partie est devenue totalement inhabitable et le démantèlement des réacteurs endommagés devrait durer une quarantaine d'années.

Dans l'interview à TBS, poursuivent les médias, M. Abe a tenu à souligner que seule la centrale Fukushima Daiichi avait été endommagée par le tsunami provoqué par un séisme de magnitude 9 au large des côtes nord-est du Japon, et que toutes les autres dans la région avaient résisté.

Les conservateurs estiment, comme le lobby industriel, que le Japon ne peut pour l'heure se passer complètement d'énergie nucléaire. Depuis l'accident de Fukushima, l'archipel a nettement augmenté ses importations d'hydrocarbures pour compenser l'arrêt de la quasi-totalité des réacteurs.

Battu aux élections législatives du 16 décembre qui ont vu le triomphe des conservateurs de M. Abe, le gouvernement de centre gauche sortant de Yoshihiko Noda avait promis pour sa part de sortir du nucléaire d'ici 30 ans. Des mouvements de gauche avaient même promis de cesser plus rapidement toute exploitation de l'énergie atomique.

Malgré l'hostilité de la majorité de la population au nucléaire depuis l'accident de Fukushima, le Parti Libéral-Démocrate (PLD, droite) a triomphé le 16 décembre en dépit d'un discours beaucoup moins critique vis-à-vis de l'atome.

«Le public semble s'inquiéter de la capacité du Japon à produire suffisamment d'électricité», a encore expliqué M. Abe sur TBS, d'après des propos rapportés par le quotidien Yomiuri.

Pendant la campagne électorale, le PLD avait simplement promis de décider du redémarrage ou non de tous les réacteurs existant d'ici trois ans.

«Les électeurs n'ont pas cru (les candidats) qui ont joué sur les mots en promettant d'"arrêter" l'énergie nucléaire ou d'en "sortir par le haut"», a ajouté le nouveau premier ministre.

Des voix critiques jugent toutefois que le PLD porte une part de responsabilité dans la catastrophe de Fukushima. Elles estiment en effet que ce mouvement, au pouvoir quasiment sans interruption de la fin des années 1950 à 2009, a fermé les yeux sur des failles dans la sécurité de certaines centrales nucléaires, notamment sur la nature éventuellement sismique des zones où elles ont été construites.