Souriant et saluant comme un chef d'État, joignant les mains à la manière traditionnelle indienne, Anna Hazare a sillonné les rues de New Delhi tel le héros conquérant que ses partisans rêvent qu'il soit, avant de débuter son jeûne public devant une foule galvanisée.

Défiant les pluies diluviennes de la mousson qui se sont abattues sur la capitale vendredi, des centaines de milliers d'habitants ont acclamé en criant, chantant et dansant l'homme en qui ils ont placé leur confiance pour purger le pays d'un fléau endémique: la corruption.

«Je vous salue Anna Hazare!», «Je vous salue l'Inde notre mère!», chantait la foule tandis que cet homme de 74 ans sortait de prison et montait sur un camion-char pour rejoindre le centre de Delhi où il devait observer un jeûne public de 15 jours, depuis une esplanade allouée par les autorités.

En certains endroits du parcours, son convoi a été stoppé par la foule qui surgissait face à lui pour lancer des guirlandes de fleurs au militant, protégé de la pluie par un grand parasol imprimé avec des motifs de camouflage.

Le gouvernement indien, qui a qualifié sa campagne anticorruption de «totalement infondée», a dû se résoudre à regarder passer cette procession triomphale qui a bloqué des quartiers entiers de New Delhi.

L'événement, soigneusement orchestré par l'équipe avisée chargée de la communication de son mouvement «L'Inde contre la corruption», a été filmé en direct par des chaînes de télévision en hindi, anglais et langues régionales, puis retransmis en boucle.

Certains partisans voient en Hazare le Gandhi de l'Inde moderne, à sa façon de recourir comme lui à la grève de la faim en tant que moyen de pression politique, mais aussi à sa façon de porter la tunique blanche et de fines lunettes cerclées.

Et Anna Hazare entretient à grand soin cette comparaison: avant d'atteindre sa destination finale, Ramlila Maidan, il a fait arrêter le convoi au mémorial de Rajghat, là où reposent les cendres du Mahatma Gandhi, héros de l'indépendance de l'Inde.

À l'image de tous les dignitaires étrangers en visite officielle en Inde, il a déposé une guirlande sur le mémorial de marbre noir, entouré par une foule de partisans enfiévrés.

Une foule monstre, rassemblée depuis des heures, l'a ensuite accueilli en héros à son arrivée sur l'esplanade, habituellement destinée à des rassemblements politiques ou des festivals, et qui peut contenir 25.000 personnes.

Parmi la foule, des professeurs avec leurs étudiants, des médecins, des employés de bureau, des retraités...

Élève ingénieur de 22 ans, Deepak Narang, a confié être venu avec une vingtaine d'amis pour faire partie de ce qu'il considère comme un mouvement historique.

«Nous réalisons que c'est le moment pour la jeunesse d'avancer et d'agir contre un système pourri. Il n'y a pas de baguette magique, mais si la corruption peut être chassée du pays, on pourra être un pays développé au vrai sens du terme», a-t-il dit à l'AFP.

Lorsque Ramprakash Arya a annoncé à ses élèves du collège qu'il allait vendredi sur l'esplanade de Ramlila, tous ont voulu se joindre à lui.

«On peut toujours fabriquer des études, mais une telle occasion de servir le pays de reviendra pas», a pronostiqué ce professeur de 60 ans.

«Je veux faire partie du mouvement d'Anna et changer le système, c'est corrompu du haut en bas» de la société.

Sous la pluie, de nombreux jeunes hommes enlevaient leur tee-shirt pour danser torse nu sur des chansons patriotiques, tandis que des tubes du cinéma Bollywood sortaient des haut-parleurs accrochés à la scène dressée pour Hazare.

«Anna est connecté aux masses alors que nos hommes politiques sont enfermés dans leur tour d'ivoire», assénait un médecin de 38 ans, Munish Khanna.