Les deux principaux partis d'opposition en Birmanie, déjà désavantagés au cours de la campagne électorale, ont accusé vendredi le parti de la junte d'avoir commencé à «tricher», à deux jours des premières élections dans le pays depuis vingt ans.

La Force démocratique nationale (NDF) et le Parti démocrate (PD) accusent les militaires d'avoir commencé à recueillir illégalement des voix en faisant signer des électeurs prétendument indisponibles dimanche.

«Nous avons appris que le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP, pro-junte), avec les autorités des circonscriptions, essayait d'obtenir des votes en avance en trichant, achetant ou menaçant les gens», écrit le PD dans un courrier adressé à la Commission électorale.

«Nous condamnons vivement ce genre de vote en avance illégal», a déclaré à l'AFP Thu Wai, président du PD, dénonçant une manoeuvre «bien planifiée».

La NDF a indiqué avoir obtenu des informations similaires, évoquant ainsi la ville de Dawei (sud), où les autorités tenteraient de recueillir pas moins de 20 000 voix sur 40 000 inscrits avant dimanche.

«Il est significatif que l'USDP, détenteur de l'autorité, essaie de tricher», a regretté Khin Maung Swe, patron de la NDF. «Nous devons attendre de voir comment réagit la commission électorale».

Après plusieurs jours de coupures sporadiques et de connexions ralenties, le réseau internet semblait d'autre part totalement coupé vendredi à Rangoun, faisant craindre une volonté de la junte d'empêcher toute transmission d'informations lors du scrutin.

L'Occident et la diaspora birmane à l'étranger considèrent l'élection comme une mascarade destinée à doter le régime militaire d'un vernis civil et parlementaire.

Le dernier scrutin, en 1990, avait été remporté par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi, qui n'a jamais été autorisée à prendre le pouvoir et boycotte cette consultation.

Maix le parti LND a décidé de boycotter les élections ce qui lui a valu d'être dissoute par la Commission électorale. Et ce sont des transfuges du parti, déçus par ce choix stratégique, qui ont choisi de créer la NDF.

Mme Suu Kyi est quant à elle toujours en résidence surveillée mais pourrait être libérée après les élections. Dans cette hypothèse, son plus jeune fils, qui vit en Grande-Bretagne et ne l'a pas vu depuis 10 ans, était à Bangkok vendredi.

Certains experts considèrent que les élections pourraient participer d'une réforme lente mais significative du régime à long terme, mais tous s'accordent à dire que les militaires resteront longtemps à la tête du pays.

Les contraintes financières, intimidations et autres couvertures médiatiques déséquilibrées ont plombé une opposition déjà orpheline de Mme Suu Kyi.

Quelques partis représentant les minorités ethniques ont réussi à présenter des candidats, mais aucun n'est présent sur tout le territoire.

La junte s'est pour sa part assuré d'une victoire facile, en réservant un quart des sièges aux militaires en activité. Et deux-tiers des candidats représentent soit l'USDP, soit un autre parti militaire, le Parti de l'unité nationale (NUP).

Ce dernier s'est d'ailleurs lui-même plaint des manipulations de l'USDP, selon une agence de presse birmane en exil, Mizzima.

L'USDP «est un parti détesté mais tout le monde s'accorde à penser qu'il va gagner», estime Aung Naing Oo, analyste politique birman exilé en Thaïlande. «Dans une situation normale, l'USDP perdrait, donc ils vont s'assurer de la victoire et recourir à diverses manipulations».

En l'absence d'observateurs et journalistes étrangers, les résultats officiels, attendus dans le courant de la semaine prochaine, seront sujets à caution.