Kim Jong-un saura-t-il remplacer son père? C'est la question de l'heure chez les observateurs de la Corée du Nord. Le troisième fils de Kim Jong-il a été nommé hier à de hautes fonctions au sein du Parti communiste après, la veille, avoir été promu général. Le fait qu'il ait étudié en Suisse et ait été placé sous la protection de la soeur de Kim Jong-il et de son mari suffira-t-il à faire oublier sa naissance illégitime?

Lundi dernier, les médias nord-coréens ont évoqué pour la première fois le troisième fils de Kim Jong-il, Kim Jong-un, âgé de 27 ou 28 ans. Il venait d'être nommé «général quatre étoiles» en compagnie de sa tante, la soeur de Kim Jong-il, et du mari de cette dernière. Pour la plupart des observateurs, c'est la première étape d'une transmission dynastique du pouvoir, chose rarissime dans un pays staliniste.

«Si la famille Kim parvient à conserver le pouvoir pendant trois générations, on peut vraiment parler de dynastie», explique Aidan Foster-Carter, sociologue à l'Université de Leeds, en Angleterre, et spécialiste de la Corée du Nord. «La propagande fait même remonter ses hauts faits à 1866 alors que l'arrière-arrière-grand-père de Kim Jong-il aurait participé à l'assaut d'un navire de guerre américain.»

L'essentiel des informations sur Kim Jong-un provient de son séjour à Berne, où il a fréquenté un lycée la fin des années 90. Sur la foi de témoignages d'anciens camarades de classe rapportés dans les médias suisses, il aimait le basketball, parlait l'anglais et l'allemand bernois, se faisait surnommer Pak Un et était toujours accompagné d'un garçon plus âgé, lui aussi nord-coréen.

«Il était sous l'aile d'un diplomate qui a travaillé une trentaine d'années en Suisse, dit M. Foster-Carter. Des rumeurs disent qu'il a géré les comptes en banque de la famille Kim. Avec sa tante et son oncle, tous deux très haut placés en Corée du Nord, cela lui donne un cercle de conseillers bien informés.»

Sa mère a grandi au Japon

L'autre particularité de Kim Jong-un : il est né d'une mère qui a grandi au Japon et dont la famille sud-coréenne y habitait depuis l'époque du colonialisme nippon. «Un certain nombre de Coréens japonais sont allés vivre en Corée du Nord par conviction idéologique ou pour fuir le racisme, explique Erich Weingartner, un Canadien qui s'est rendu plusieurs fois en Corée du Nord pour des missions humanitaires avec des groupes chrétiens. Au départ, ils étaient traités en héros, mais le régime s'en est rapidement méfié. Ils forment maintenant une sous-classe méprisée. La mère de Kim Jong-un lui a certainement légué une conscience de ce clivage.»

Morte du cancer en 2004, la mère de Kim Jong-un, danseuse, n'était d'ailleurs pas mariée avec Kim Jong-il. «C'est ce qui explique qu'on n'ait jamais entendu parler de lui avant tout récemment, estime M. Foster-Carter. La société coréenne, et encore plus dans le Nord, est très conservatrice. Kim Jong-il peut tout se permettre, évidemment, mais une partie de la résistance des autres dirigeants à la candidature de Kim Jong-un peut être due aux préjugés quant à sa naissance illégitime.»

Signe de l'importance de la vie privée dans la politique nord-coréenne, un politologue de Séoul interrogé par le New York Times a précisé que la tante de Kim Jong-un a la réputation de boire trop et que sa fille -la cousine de Kim Jong-un- s'est suicidée en 2006.