Les «chemises rouges» thaïlandaises, qui réclament la tête du premier ministre, ont voulu s'inscrire dans «l'histoire» dimanche en écrivant poèmes et slogans avec leur propre sang, tandis qu'Abhisit Vejjajiva tentait de préserver les chances de dialogue politique.

Les «rouges», partisans de l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, étaient 65 000 dans les rues de la capitale samedi, une affluence surprenante pour un mouvement qui semblait en déclin.

Dimanche, pour marquer un peu plus les esprits, ils ont peint et écrit des poèmes et des slogans sur une toile avec leur propre sang, quelques jours après avoir versé des centaines de litres d'hémoglobine devant le domicile et les bureaux du premier ministre, métaphore de leur sacrifice pour la démocratie.

«Les gens de la prochaine génération sauront que la vieille génération aurait sacrifié n'importe quoi, y compris leur sang», a proclamé Visa Kantab, poète «rouge».

Cette hémorragie symbolique n'a été accompagnée d'aucune violence. Deux explosions ont été déplorées dans la nuit, faisant un blessé léger, mais sans lien évident avec le mouvement.

Au huitième jour d'un conflit indissociable de la figure de Thaksin, mais qui puise ses fondements dans les profondes divisions de la société thaïlandaise, le dialogue entre Abhisit et les manifestants semblait plus qu'incertain.

Samedi, le chef du gouvernement avait annoncé avoir convaincu les «chemises rouges» de discuter avec deux de ses émissaires pour trouver une issue à la crise. Mais les responsables du mouvement avaient démenti peu après, affirmant qu'ils ne discuteraient qu'avec Abhisit en personne.

Le diplômé d'Oxford, âgé de 45 ans, a depuis indiqué qu'il accepterait de se déplacer en personne. «Ca ne me pose pas de problème», a-t-il expliqué dimanche. «Ils peuvent me parler, mais avant d'en arriver là, ils doivent discuter avec mes représentants pour parler du contour des discussions».

Abhisit a de nouveau accusé Thaksin, qui s'adresse à ses partisans tous les soirs par vidéoconférence depuis Dubaï, d'être le principal obstacle au débat.

«Il semble que Thaksin ne veuille pas parler», a-t-il estimé. «Si (les rouges) viennent (discuter), cela voudra dire qu'ils veulent la démocratie. Sinon, c'est qu'ils font ce que Thaksin leur demande de faire».

«Nous ne parlerons avec personne d'autre qu'Abhisit et nous ne parlerons que d'une chose, la dissolution de la chambre» basse, a répété dimanche Jatuporn Prompan, l'un des responsables des «rouges».

Thaksin, richissime magnat des télécommunications, a été le seul premier ministre thaïlandais jamais réélu, avant d'être renversé par un coup d'État militaire en 2006.

Sa politique populiste lui vaut d'être considéré par une grande partie des masses rurales du nord et du nord-est du pays comme le seul à s'être jamais préoccupé de leur sort. Mais il ne peut rentrer à Bangkok sous peine de devoir purger une peine de deux ans de prison pour malversations financières.

Abhisit, à l'inverse, est considéré comme la marionnette des élites traditionnelles de Bangkok -palais royal, militaires, hauts fonctionnaires, magistrats-, accusés de monopoliser le pouvoir et les richesses du pays.

Arrivé au pouvoir fin 2008 au terme de renversements d'alliances parlementaires et d'une décision de justice qui a chassé du pouvoir les alliés de Thaksin, il n'a jamais fait oublier son absence de légitimité électorale.

Lundi, «nous avons plusieurs projets», a expliqué un autre cadre des «rouges». «Nous promettons qu'Abhisit ne s'ennuira pas».