Des Tibétains se préparent à boycotter les célébrations de leur Nouvel An qui tombe mercredi afin de marquer le premier anniversaire de la répression d'émeutes antichinoises, mais Pékin les pousse au contraire à faire la fête.

Cette bataille autour du Nouvel An tibétain, «le Losar», intervient à un moment où la sécurité a été renforcée dans la Région autonome et dans les provinces limitrophes à population tibétaine, selon des sources concordantes.

Pékin redoute la célébration, le 10 mars, du 50e anniversaire de l'insurrection tibétaine qui avait été suivie de la fuite en Inde du dalaï lama, le chef des bouddhistes tibétains, et celle, le 14 mars, des émeutes de l'an dernier.

Le dalaï lama a appelé au boycott des célébrations du Nouvel An en signe de deuil après les émeutes de 2008 qui ont fait au moins 203 tués et près de 1.000 blessés, selon les exilés tibétains, alors que Pékin a accusé des «émeutiers» tibétains d'avoir tué 21 personnes.

«D'habitude c'est un jour de festivités et de joie pour lequel tout le monde se retrouve», a déclaré à l'AFP Tenzin Taklha, porte-parole du dalaï lama à Dharamsala, en Inde.

«Mais cette année, ce sera un jour de prières à la mémoire de tous les Tibétains qui sont morts et pour tous ceux qui souffrent de la tutelle chinoise», a-t-il dit.

Divers groupes de défense des droits de l'Homme et des blogueurs au Tibet ont indiqué que la campagne en faveur de «l'acte de désobéissance civile» que serait un boycott du Nouvel An commençait à prendre non seulement au Tibet mais dans les zones tibétaines environnantes.

Pendant ce temps, les autorités chinoises encouragent vivement les Tibétains à célébrer la nouvelle année, notamment en leur donnant de l'argent, des produits alimentaires ou vestimentaires, et en organisant un gala télévisé.

Des responsables locaux ont donné 800 yuans (90 euros) à quelque 70.000 Tibétains pauvres ou retraités afin de «permettre aux personnes en difficulté de profiter d'un Nouvel An tibétain heureux et placé sous de bons auspices», selon un site gouvernemental consacré au Tibet, le China Tibet News.

Un gala de quatre heures devait être diffusé mardi soir pour célébrer la veillée du Nouvel An.

Le dalaï lama a cohabité avec le pouvoir communiste avant de s'enfuir en 1959 en Inde à l'issue d'un soulèvement réprimé par Pékin. Les troupes chinoises étaient entrées au Tibet en 1950 officiellement pour «libérer» la région.

Le dalaï lama a récemment évoqué de fortes tensions au Tibet. «Aujourd'hui, il y a trop de colère», a-t-il dit lors d'un entretien avec des journalistes en Allemagne, «la situation est très tendue, des débordements peuvent arriver à tout moment».

Pékin a répliqué que le Tibet était «stable», tout en se disant engagé dans une «lutte de classes à la vie à la mort» contre les séparatistes.

Dans l'un des premiers actes de contestation rapportés cette année, des Tibétains de la province du Sichuan (sud-ouest) ont manifesté dans la rue la semaine dernière en soutien au dalaï lama, selon des organisations de défense des droits de l'Homme.

Ces informations sont difficiles à confirmer de source indépendante: la presse étrangère est interdite d'entrée au Tibet et dans les zones tibétaines limitrophes ou y est occasionnellement amenée lors de voyages très encadrés.

Le China Tibet News avait indiqué en janvier que la police avait enquêté sur 8.400 personnes et arrêté 81 d'entre elles lors d'une semaine intitulée «frapper fort», à Lhassa.