Le président brésilien Michel Temer se retrouve fragilisé par des allégations de corruption quelques mois à peine après avoir obtenu, avec l'aide de ses alliés, la destitution de Dilma Rousseff.

L'embarras du nouveau chef d'État découle de la démission du ministre de la Culture du pays, Marcelo Calero, qui a claqué la porte du gouvernement le 18 novembre.

M. Calero affirme avoir subi des pressions de la part d'un ministre influent, Geddel Vieira Lima, qui lui aurait demandé d'intervenir pour faire approuver la construction d'une importante tour résidentielle à laquelle s'opposait l'Institut brésilien de préservation du patrimoine historique.

L'ex-ministre a précisé dans une décision sous serment à la police fédérale que le président Temer est intervenu dans le dossier pour lui demander de trancher le litige en faveur de Geddel Vieira Lima, qui a acheté un appartement dans le lotissement immobilier à l'étude.

Des médias brésiliens rapportent qu'il a remis aux autorités un enregistrement du président confirmant les pressions qu'il a exercées.

L'opposition crie au scandale et promet d'engager des procédures en vue d'obtenir sa destitution, mais ce dénouement semble pour l'heure improbable.

D'AUTRES RÉVÉLATIONS À CRAINDRE

Jean Daudelin, spécialiste du Brésil rattaché à l'Université de Carleton, estime que Michel Temer n'a guère de souci à se faire en lien avec cette affaire, puisqu'il dispose de l'immunité judiciaire et qu'il n'y a pas de volonté au Congrès de le contraindre à partir avant la fin prévue de son mandat, en 2018.

L'analyste estime que le président a beaucoup plus à craindre des aveux d'un autre collaborateur de longue date, Eduardo Cunha, qui présidait la Chambre des représentants.

Le controversé politicien, qui a joué un rôle clé dans la destitution de Dilma Rousseff, a été placé en détention provisoire en octobre après s'être vu retirer son immunité. Il fait face à des accusations de corruption et de blanchiment d'argent.

Eduardo Cunha est issu du même parti que Michel Temer, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), et pourrait divulguer des informations potentiellement embarrassantes sur son fonctionnement.

« Il est de train de monter sa défense et il a convoqué Michel Temer comme témoin. »

- Jean Daudelin, spécialiste du Brésil rattaché à l'Université de Carleton

Le chercheur s'attend à ce que l'ex-président de la Chambre des représentants cherche à attirer d'autres caciques dans sa chute.

Les tractations en cours entre la justice brésilienne et l'ex-président de l'une des plus importantes firmes de construction du pays, Marcelo Odebrecht, qui est en prison, pourraient aussi déboucher sur de nouvelles révélations embarrassantes.

Le groupe Odebrecht était au centre d'un cartel d'entreprises qui ont réussi à soutirer des centaines de millions de dollars en trop au géant pétrolier Petrobras. L'enquête a révélé qu'une partie substantielle de ces sommes étaient versées sous forme de commissions occultes à des hommes et à des femmes politiques.

Des dizaines d'élus ont déjà été éclaboussés par les travaux du juge Sergio Moro, qui a notamment dans sa ligne de mire un autre membre influent du PMDB, le président du Sénat Renan Calheiros.

UNE MENACE POUR LULA

Jean Daudelin note que les aveux de Marcelo Odebrecht pourraient aussi fragiliser plus encore la position de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, qui espère se représenter lors du scrutin de 2018. Le politicien, qui nie toute malversation, est accusé notamment d'être intervenu en faveur de l'entreprise en Angola en échange de pots-de-vin.

La quantité importante d'élus éclaboussés par l'affaire Petrobras n'est pas étrangère aux efforts en cours au sein du Congrès pour faire voter un projet de loi introduisant une amnistie pour des pratiques de financement politique illégal.

Michel Temer a dû intervenir en fin de semaine pour assurer au public qu'il opposerait son veto à toute réforme allant en ce sens. « Il serait impossible pour le président de la République d'approuver quelque chose de cette nature », a-t-il indiqué selon l'Agence France-Presse.

Jean Daudelin ne serait pas étonné pour autant qu'une telle amnistie soit éventuellement accordée dans le cadre d'une réforme visant à assainir le fonctionnement du Congrès, qui compte, dit-il, nombre de petits partis cherchant constamment à monnayer leur appui auprès des principales formations.

Photo EVARISTO SA, archives Agence France-Presse

Marcelo Calero, ex-ministre brésilien de la Culture

Photo Heuler Andrey, Agence France-Presse

Eduardo Cunha, ex-président de la Chambre des représentants du Brésil