Les statistiques sont difficiles à trouver. Mais les nombreuses études sur le sujet montrent qu'entre le quart et la moitié des soldats des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), qui combattent le gouvernement depuis un demi-siècle, sont des femmes. C'est une proportion inégalée parmi les «groupes armés non gouvernementaux», selon les experts.

«Officiellement, les Farc disent que les femmes se joignent à eux parce qu'ils sont modernes et égalitaires», explique Douglas Porch, spécialiste des guerres civiles à l'École d'études supérieures de la marine américaine à Monterrey, en Californie.

«Il est vrai qu'on voit des femmes parmi les cadres des Farc. Mais aucune parmi les hauts dirigeants. Ma conviction, c'est que les Farc ont beaucoup de femmes pour deux raisons. Premièrement, dans les années 90, le mouvement contrôlait un grand territoire, grâce à une suspension des offensives gouvernementales durant des négociations de paix. Devenir membre des Farc n'était pas particulièrement dangereux et pouvait être attirant pour une jeune paysanne qui, normalement, serait devenue mère à 14 ans.

Ensuite, les Farc étaient un mouvement beaucoup plus éloigné des villes que les autres guérillas sud-américaines. Donc, ils avaient moins de contacts avec la population civile, et surtout moins accès à des femmes pour assouvir les désirs sexuels des soldats.»

L'an dernier, la revue Foreign Affairs avait publié une enquête sur les femmes des Farc, décrivant les programmes de distribution d'anovulants et les avortements forcés imposés aux guérilleras.

«Les femmes enceintes font évidemment de moins bons soldats», dit M. Porch, qui a publié en 2008 dans la revue Small Arms and Insurgencies une analyse du parcours de 1300 guérilleras ayant participé au processus gouvernemental de démobilisation en 2008.

«Mais avoir un enfant était aussi un motif important de désertion. Les guérilleras ont d'ailleurs souvent été à l'origine de la désertion d'hommes des Farc, quand elles désertaient en couple.»

Les guérilleras étaient souvent utilisées à des fins de propagande, selon M. Porch. Une guérillera néerlandaise des Farc, Tanja Nijmeijer, a souvent été porte-parole durant les négociations de paix à La Havane, depuis l'automne 2012. Mme Nijmeijer avait notamment reçu dans la jungle des journalistes hollandais, et même sa mère. «Quand les Farc prenaient le contrôle d'un village, des guérilleras étaient envoyées en premier, parce qu'elles faisaient moins peur, pour amadouer les paysans.»

Laissées à elles-mêmes

Malheureusement, les pourparlers de paix ne tiennent pas compte de la forte proportion de femmes dans les Farc, déplore Shana Tabak, professeure de droit à l'Université américaine, à Washington.

«Durant la démobilisation des groupes paramilitaires contre-révolutionnaires entre 2003 et 2006, on n'a pas eu de problèmes très visibles parce qu'il y avait peu de femmes », dit Me Tabak, qui a publié une étude sur le sujet en 2010 dans la revue International Law and Politics.

«Mais depuis, il y a eu un programme de démobilisation pour les rebelles des Farc et de l'ELN, et les femmes ont eu beaucoup de problèmes. Il n'y a pas d'aide pour leurs enfants, de crèches pour les aider à se trouver un travail ou étudier. »

Selon M. Porch, les femmes autochtones ont aussi des défis particuliers. « Elles n'ont pas d'aide particulière pour retourner dans leur communauté d'origine, qui est souvent très hostile, pour des motifs culturels, à l'idée que des femmes prennent les armes», dit-il.

Laissées à elles-mêmes

Malheureusement, les pourparlers de paix ne tiennent pas compte de la forte proportion de femmes dans les Farc, déplore Shana Tabak, professeure de droit à l'Université américaine, à Washington.

Négociations de paix

Depuis près d'un an, les négociateurs des Farc et du gouvernement colombien passent 20 jours par mois à La Havane dans le but de faire définitivement la paix.

Un seul des cinq points qui doivent être discutés, une réforme agraire qui distribuera des terres confisquées par les deux parties à des paysans pauvres, a été réglé en mai dernier.

Une entente de principe sur la transformation des Farc en parti politique a été annoncée en août, au moment où l'armée dévoilait qu'un haut dirigeant des rebelles, Antonio Plata Rios, surnommé Zeplin, avait été tué lors de combats.

«Nous ne sommes jamais arrivés aussi loin», a déclaré le négociateur en chef du gouvernement colombien, Humberto de Calle. Les autres points litigieux sont le désarmement, le trafic de drogue par les Farc et les droits des victimes des Farc à une compensation et à engager des poursuites.

Les négociations ont commencé lentement, les représentants des Farc ayant au départ tenté de les élargir en exigeant le retrait de la Colombie des traités de libre-échange, une interdiction presque totale des investissements étrangers, et l'instauration d'un contrôle gouvernemental des changes et des salaires dans les entreprises privées, selon Foreign Affairs.