Il faut avoir une patience de moine et le coeur solide pour s'appeler Molly Molloy. Cette libraire de l'Université du Nouveau-Mexique s'est attelée à une tâche titanesque: répertorier tous les meurtres commis à Ciudad Juárez.

Tous les jours depuis trois ans, Mme Molloy consulte les médias de la ville. Elle a recueilli des milliers d'articles, dont elle veut se servir pour compiler une banque de données qui permettra de mieux comprendre la nature de l'extrême violence qui sévit dans la ville frontalière de 1,3 million d'habitants.

Déjà, Mme Molloy dénonce le «mensonge» du gouvernement mexicain, qui jure que la majorité des victimes sont des membres du crime organisé. «Comment peut-il affirmer cela quand aucun de ces meurtres, ou presque, n'a fait l'objet d'une enquête?»

«La violence à Juárez est un désastre humanitaire ignoré dans le monde à cause de la rhétorique du gouvernement, selon laquelle il s'agit d'une guerre de cartels. On laisse entendre que les personnes tuées méritaient de mourir.»

C'est loin d'être le cas, assure-t-elle. Et même si certains étaient bien impliqués dans le trafic de drogue, «ils sont exécutés sans autre forme de procès».

Il y a eu près de 8000 morts violentes à Juárez depuis quatre ans. Le taux d'homicide y est astronomique. «Il n'y a pas de comparaison valable, sauf dans un pays en guerre, dit le journaliste Charles Bowden. D'un point de vue statistique, Bagdad est une ville beaucoup plus sûre que Juárez.»