Le principal candidat de l'opposition à la présidentielle en Ouganda, Kizza Besigye, a été arrêté vendredi au siège de son parti au lendemain du premier tour, chaotique, de la présidentielle dont les résultats partiels donnent le chef de l'État sortant Yoweri Museveni largement en tête.

«Kizza Besigye a été arrêté à notre quartier général et emmené vers une destination inconnue», a tweeté son parti, le Forum pour le changement démocratique (FDC).

Une journaliste de l'AFP a aperçu M. Besigye, qui avait déjà été brièvement interpellé lundi et jeudi soir, être escorté vers un fourgon de police qui a ensuite quitté les lieux.

La police avait encerclé en fin de matinée le quartier général du FDC, dans le quartier de Najjanankumbi, dans le sud de Kampala.

Pendant plus d'une heure, la tension a été forte, les policiers en tenue anti-émeute tirant des gaz lacrymogènes vers les locaux du parti d'opposition et procédant à l'arrestation de sympathisants du FDC.

Un hélicoptère survolait la scène, selon la journaliste de l'AFP, qui a aussi entendu à distance des tirs.

La police est finalement entrée dans le bâtiment, d'abord pour parlementer avec M. Besigye, avant de finalement l'arrêter.

Selon les médias ougandais, l'action de la police pourrait être liée au fait que le FDC s'apprêtait à publier ses propres résultats pour l'élection présidentielle, ce qui est illégal.

«Des mesures raisonnables ont été prises pour maîtriser des militants du FDC qui voulaient perturber l'ordre public et les élections», a déclaré à l'AFP un haut responsable de la police, Felix Andrew Kaweesi.

M. Besigye «sait très bien que le pouvoir de déclarer les résultats électoraux revient à la commission électorale», a-t-il ajouté.

C'est la troisième fois cette semaine que M. Besigye est arrêté par la police, qui l'a à chaque fois rapidement relâché. Il avait été interpellé lundi alors qu'il tentait de faire campagne dans le centre de Kampala, et la police avait violemment dispersé ses sympathisants, faisant un mort.

Puis à nouveau jeudi devant une maison où, selon son entourage et son parti, des policiers et des membres du tout-puissant parti au pouvoir, le Mouvement de résistance nationale (NRM), étaient en train de truquer les élections en bourrant des urnes.

PHOTO JAMES AKENA, ARCHIVES REUTERS

Kizza Besigye

Museveni en tête

L'arrestation jeudi de M. Besigye a été condamnée par les États-Unis, qui y ont vu «un type d'agissement» remettant «en question l'engagement de l'Ouganda à mener une élection libre et transparente exempte d'intimidation».

Le premier tour de la présidentielle et des législatives, s'il s'est déroulé sans encombre en province, a été pour le moins chaotique à Kampala, réputée acquise à l'opposition: de nombreux bureaux ont ouvert jeudi avec plusieurs heures de retard, provoquant des heurts entre électeurs en colère et forces de l'ordre, tandis que les réseaux sociaux ont purement et simplement été bloqués par le pouvoir.

Le dépouillement a débuté jeudi après-midi dans la plupart des 28 000 bureaux de vote et le président Yoweri Museveni, 71 ans dont 30 passés à la tête du pays, faisait la course en tête selon les résultats partiels de la commission électorale, taxée d'être acquise au pouvoir par l'opposition.

Selon ces résultats, portant vendredi en fin de matinée sur 36,5 % des bureaux de vote, M. Museveni était en tête avec 62,03 % des voix, devant M. Besigye (33,46 %).

Les résultats complets de la présidentielle devraient être connus samedi.

Le scrutin n'était toutefois pas terminé vendredi, la commission électorale ayant décidé de prolonger les opérations de vote d'une journée dans une trentaine de circonscriptions de Kampala et ses environs, où les électeurs n'avaient pu voter jeudi. 

Ces retards ont été qualifiés d'«absolument inexcusables» par le chef de la mission d'observation du Commonwealth, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo.

Les sondages prédisaient une victoire dès le premier tour, avec 51 % des voix, pour M. Museveni. Le président est encore très populaire dans les campagnes et bénéficie de la puissance financière et du savoir-faire électoral de son parti, le NRM.

L'opposition, même si elle n'a pas réussi à s'accorder sur une candidature unique, espère cependant le pousser à un second tour inédit dans ce pays enclavé d'Afrique de l'Est, qui n'a jamais connu d'alternance politique pacifique depuis son indépendance en 1962.

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Des électeurs qui ont été incapables de voter jeudi font la file à l'extérieur d'un bureau de vote de Kampala, le 19 février. 

PHOTO CARL DE SOUZA, AFP

Les élections se sont prolongées jusqu'à vendredi pour plusieurs électeurs de Kampala.  

Washington inquiet de la situation en Ouganda

Le secrétaire d'État américain John Kerry a fait part vendredi au président ougandais sortant Yoweri Museveni de son inquiétude concernant la situation dans le pays.

John Kerry, lors d'un entretien par téléphone avec M. Museveni, « a souligné que les progrès de l'Ouganda dépendaient du respect de principes démocratiques dans le processus d'élections en cours », selon un communiqué du département d'État.

« Le secrétaire d'État a fait part de son inquiétude à propos de la détention du candidat de l'opposition Kizza Besigye et du harcèlement des membres du parti d'opposition durant le vote et le comptage des voix, et il a demandé au président Museveni de contenir la police et les forces de sécurité », ajoute le communiqué.

« De telles actions posent question sur la volonté de l'Ouganda de mener un processus d'élections transparent et crédible, sans intimidations », poursuit le département d'État.

M. Kerry a encore fait part de son inquiétude devant le blocage de plusieurs réseaux sociaux notamment, et a regretté que certains bureaux de vote aient ouvert en retard.

Durant son point de presse quotidien à Washington, le porte-parole du département d'Etat Mark Toner a de son côté rappelé que les États-Unis conservaient toujours « l'option de prendre des mesures supplémentaires si nous voyons que la situation n'évolue pas ou si nous constatons des efforts clairs entrepris pour entraver les élections ».

« Toute action supplémentaire de notre part dépendra des actions du gouvernement en Ouganda dans les prochains jours », a-t-il dit.