Les deux principaux partis d'opposition sud-africains ont manifesté mardi à Johannesburg, devant la Cour constitutionnelle où leurs avocats plaidaient pour obliger le président Jacob Zuma à rembourser une partie des 20 millions d'euros (environ 31 millions de dollars) d'argent public dépensé pour rénover sa résidence privée de Nkandla.

Environ 5000 membres du parti de gauche radicale EFF (Combattants de la liberté économique) ont scandé «Zuma doit partir» et «Rends l'argent! Rends l'argent!», un slogan qui retentit au Parlement à chaque apparition du chef de l'État depuis plus de deux ans.

Le scandale de Nkandla, du nom du petit village où se trouve la propriété, est devenu un véritable boulet pour le président, et un symbole des accusations de corruption qui planent sur son gouvernement et son parti, le Congrès national africain (ANC).

«Nous avions dit que le président goûterait un jour au tribunal et personne ne nous avait crus», jubilait Julius Malema, leader de l'EFF, devant ses partisans. «Le président va devoir rembourser l'argent!»

Le scandale a été amplifié début 2014 lorsque la médiatrice de la République, chargée de veiller à l'utilisation des deniers de l'État, a rendu un rapport accusant Jacob Zuma d'avoir «indûment bénéficié» des travaux. Elle avait recommandé qu'il rembourse une partie des sommes.

La Cour constitutionnelle doit déterminer si ces recommandations sont légalement contraignantes ou non.

«Nous soutenons que le mépris du président à l'égard de la médiatrice de la République enfreint ses obligations telles que définies par la Constitution», a déclaré devant la Cour l'avocat de l'EFF, Wim Trengove.

Les cris des manifestants pouvaient être entendus depuis l'intérieur du tribunal, pendant l'audience retransmise en direct à la télévision, qui s'est transformée en tribune pour l'opposition. Les élections municipales en août pourraient révéler une baisse de soutien pour l'ANC, le parti de Nelson Mandela, au pouvoir depuis la fin de l'apartheid il y a 22 ans.

«Cette affaire va beaucoup plus loin que la question des pouvoirs de la médiatrice», a argumenté Anton Katz, avocat du parti libéral Alliance démocratique (DA). «Il y a eu un abus de biens publics d'un niveau extraordinaire, au profit d'une seule famille, dans un pays où la plupart des familles ont tout juste accès à la nourriture, l'éducation, la santé et le logement.»

Piscine et poulailler

Jacob Zuma refusait depuis des mois de rembourser un sous des quelque 220 millions de rands dépensés (31 millions de dollars CAN de l'époque). Il a fait volte-face il y a une semaine, admettant l'idée d'un remboursement partiel, mais les deux partis ont maintenu leur action en justice.

«La proposition du président n'est rien d'autre qu'une manoeuvre de communication pour échapper à ses responsabilités», a déclaré la DA dans un communiqué.

La cour doit rendre son jugement à une date ultérieure.

«Nous traversons une période délicate, et nous sommes inquiets à l'idée que l'opposition puisse souhaiter lancer une procédure de destitution. (...) Cette cour ne doit pas rendre un jugement trop large qui pourrait ensuite être utilisé avec succès dans le cadre d'une telle procédure par le Parlement», a plaidé Jeremy Gauntlett, avocat de Jacob Zuma.

Le chef de l'État essuie un feu de critiques nourri par la crise économique : l'Afrique du Sud souffre de la chute de la monnaie locale et des cours des matières premières, tandis que le chômage est toujours au-dessus de la barre des 25 %.

«Le président Zuma, c'est n'importe quoi!», tempêtait Abel Moeketsi, militant de l'EFF venu manifester devant la Cour. «Ce n'est pas un président, il n'est bien que pour l'ANC, pas pour le pays entier.»

Jacob Zuma doit prononcer jeudi au Cap (sud) son discours annuel sur l'état de la nation au Parlement. L'année dernière, cette session solennelle avait été interrompue par les députés de l'EFF interpellant le président pour qu'il rembourse l'argent de Nkandla. Ils avaient été brutalement évacués par les services de sécurité.

Le président avait déclaré plusieurs fois qu'il n'avait pas ordonné la rénovation de sa propriété de la province du KwaZulu-Natal (est). Une enquête du ministre de la Police avait conclu l'année dernière qu'il s'agissait de travaux de «sécurité», y compris la piscine, décrite comme «un réservoir d'eau» en cas d'incendie.