Un tribunal égyptien a reporté dimanche au 29 août son verdict dans le nouveau procès de trois journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera, dont une première condamnation à des peines allant jusqu'à 10 ans de prison avait provoqué un tollé international.

«Cette attente est mortelle, ce sera un nouveau mois de souffrance», a dénoncé Baher Mohamed, l'un des trois journalistes arrêtés en décembre 2013, avec l'Australien Peter Greste et le Canadien Mohamed Fahmy.

Les trois hommes sont accusés d'avoir «diffusé de fausses informations» pour soutenir les Frères musulmans, l'organisation de l'ex-président islamiste Mohamed Morsi, destitué par l'armée en 2013.

Lors d'un premier procès en juin 2014, MM. Fahmy et Greste avaient écopé de sept ans de prison et M. Mohamed de dix ans. La Cour de cassation avait cependant annulé les condamnations des journalistes employés par l'antenne anglophone d'Al-Jazeera et ordonné un nouveau procès.

Le verdict devait initialement être rendu jeudi mais avait été reporté à dimanche en raison de l'état de santé du juge.

À l'audience de dimanche, un autre juge a annoncé un nouveau report, précisant que certains co-accusés des journalistes, qui sont en détention, n'avaient pas pu être transférés au tribunal.

Le report a déclenché une pluie de critiques. L'affaire avait déjà mis dans l'embarras les autorités égyptiennes et le président Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée architecte de la destitution de M. Morsi, qui avait reconnu qu'il aurait mieux valu expulser les journalistes.

«L'audace et le manque de respect ininterrompu de nos droits sont sans précédent!», s'est indigné sur Twitter M. Fahmy.

«Calvaire judiciaire»

Son avocate, Amal Clooney, a estimé dans un communiqué que si le tribunal ne prononçait pas un acquittement le 29 août, «le président Sissi devait rapidement intervenir pour rectifier cette injustice.»

À l'ouverture du nouveau procès, MM. Fahmy et Mohamed avaient été remis en liberté conditionnelle après plus de 400 jours de détention. M. Greste est lui jugé par contumace après avoir été expulsé vers l'Australie le 1er février en vertu d'un décret présidentiel.

M. Fahmy, qui détient la nationalité canadienne, a renoncé à sa citoyenneté égyptienne pour pouvoir être lui aussi expulsé. Sans succès.

«Nous sommes exaspérés et frustrés. Nous voulons seulement que justice soit rendue, et la justice continue d'être différée», a déploré Giles Trendle, le directeur général de l'antenne anglophone d'Al-Jazeera.

L'avocat de la défense Chaabane Saïd a estimé que le report était dû à l'état de santé du juge, expliquant que légalement, «le verdict ne pouvait pas être prononcé par un autre magistrat».

«Ce report démontre que le procès des journalistes d'Al-Jazeera n'est pas une priorité dans l'agenda égyptien et que les éventuelles pressions de la communauté internationale restent lettre morte», a cependant critiqué l'ONG Reporters sans frontières, dénonçant un «calvaire judiciaire».

L'affaire avait débuté en pleine crise entre l'Égypte et le Qatar, à couteaux tirés depuis l'éviction de M. Morsi.

Le Caire reprochait à Doha de soutenir les Frères musulmans, notamment via Al-Jazeera, dont la chaîne arabophone a dénoncé la destitution de M. Morsi et la répression contre ses partisans qui a fait plus de 1400 morts.

S'ils sont condamnés, les journalistes pourront interjeter appel devant la Cour de cassation, qui pourra confirmer le jugement ou l'annuler. En cas d'annulation, elle devra elle-même examiner l'affaire.

Le report intervient alors que le chef de la diplomatie américaine John Kerry co-présidait au Caire avec son homologue égyptien Sameh Choukri un dialogue «stratégique» entre les deux alliés de longue date.

Lors d'une conférence de presse, Sameh Choukri a d'ailleurs soutenu qu'il n'y avait pas de journalistes «emprisonnés en Égypte pour des problèmes liés à la liberté d'expression», mais que les reporters derrières les barreaux étaient détenus pour «leur implication dans des activités terroristes».