De très vives tensions ont marqué samedi à Bujumbura les discussions sous médiation ougandaise entre les acteurs de la crise provoquée fin avril par la candidature controversée du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, selon des sources concordantes.

Selon plusieurs délégués anti-Nkurunziza, le camp présidentiel a accusé les opposants d'être des «putschistes» et leur a demandé de s'expliquer sur la récente déclaration appelant à la création d'un «Conseil national» regroupant tous ceux - au Burundi et en exil - opposés au troisième mandat du chef de l'État, contraire selon ses adversaires à la Constitution.

«Il s'agit d'un subterfuge pour éviter d'aborder la question du calendrier électoral», a expliqué un délégué de la société civile, qui réclame comme l'opposition, l'annulation des législatives du 29 juin et le report sine die de la présidentielle prévue mardi, ce que refusent les autorités burundaise, arguant d'un risque de vide institutionnel à l'expiration du mandat du président Nkurunziza le 26 août.

Après s'être enfin mis d'accord samedi matin sur un ordre du jour, les délégués avaient entamé les discussions de fond sur le premier sujet, réclamé en priorité par le camp présidentiel : «la sécurité du pays» et la question des 150 000 Burundais ayant fui vers les pays voisins le climat préélectoral délétère.

Selon plusieurs participants, au moment de passer au sujet du calendrier électoral -point prioritaire pour l'opposition et la société civile-, le gouvernement a brandi un texte signé par plusieurs représentants de l'opposition présents et appelant à la création du «Conseil national».

Selon ces mêmes sources, des délégués du gouvernement ont qualifié cette déclaration - publique depuis la mi-juillet - de «continuation du putsch» militaire déjoué à la mi-mai, provoquant une longue interruption des pourparlers. En cause, une phrase du texte disant que le futur Conseil «saura pleinement jouer le rôle qui lui incombe comme garant de la légalité et des institutions du Burundi».

Le camp présidentiel «cherche des prétextes pour ne pas passer au point n°2», le calendrier électoral, a expliqué l'ancien président burundais Domitien Ndayiziye qui ces derniers jours s'est retiré avec deux autres candidats de la course présidentielle. Principal opposant au président Nkurunziza, Agathon Rwasa a déploré «les manoeuvres dilatoires» de «ceux qui cherchent à se maintenir au pouvoir».

Selon un représentant de la société civile, le camp présidentiel a fait preuve «d'une agressivité très violente» et a porté «des accusations extrêmes». «Il a accusé les opposants d'être tous des putschistes» et d'être «liés aux (islamistes somaliens) shebab pour attaquer le Burundi», a affirmé ce délégué, des propos confirmés par plusieurs autres participants.

Le gouvernement a réussi, mi-mai, à déjouer une tentative de coup d'État militaire et, mi-juin, à étouffer les manifestations quasi quotidiennes à Bujumbura par une brutale répression. Mais il a ensuite été confronté à une série d'attaques à la grenade et, depuis une semaine, à des combats entre armée et rebelles dans les régions septentrionales frontalières du pays.

Les participants ont finalement brièvement rejoint la salle des discussions, ajournées à dimanche, le ministre ougandais de la Défense, qui a pris le relais jeudi de son président Yoweri Museveni, disant vouloir étudier le texte controversé, selon un participant.

«Tout le monde joue le jeu pour ne pas se mettre à dos Museveni», nommé médiateur par les pays de la région, «tout en sachant que cela ne va nulle part», a estimé un représentant de la société civile.