Un kamikaze déguisé en femme s'est fait exploser samedi sur le marché central de N'Djamena, faisant au moins 15 morts, un attentat revendiqué par le groupe islamiste Boko Haram.

Même affaibli par l'opération régionale en cours, le groupe islamiste nigérian reste une menace pour les pays riverains du lac Tchad et d'abord pour le nord-est du Nigeria, où 13 personnes ont été tuées dans deux attaques distinctes depuis vendredi.

Boko Haram a revendiqué l'attentat de N'Djamena et l'une des deux attaques commises au Nigeria, a rapporté le centre de surveillance des sites islamistes SITE, basé aux États-Unis.

La revendication, faite sur Twitter, était signée «Etat Islamique, Province d'Afrique de l'Ouest», appellation que se donne Boko Haram depuis qu'il a fait allégeance en mars dernier au groupe Etat Islamique (EI), a indiqué le centre, qui a son siège aux États-Unis.

«La Province d'Afrique de l'Ouest (anciennement Boko Haram) de ISIS (acronyme anglais de l'EI, ndlr) a revendiqué les attentats suicide d'aujourd'hui au Tchad et au Nigeria», écrit SITE sur Twitter.

Pour l'attentat de N'Djamena, le «bilan provisoire» est de 15 morts et 80 blessés, dont quatre graves.

Neuf commerçantes et six hommes ont été tués, dont un gendarme tchadien, a déclaré à l'AFP le porte-parole de la police nationale, Paul Manga. Le kamikaze a également péri dans l'explosion.

«Pas de doute, il s'agit de Boko Haram», a assuré une source policière avant que ne soit connue la revendication du groupe islamiste.

Le groupe avait revendiqué une double attaque ayant fait 38 morts mi-juin à N'Djamena, la première du genre.

Samedi, c'est un homme habillé en femme, le visage dissimulé par un voile intégral, qui «a voulu infiltrer le marché. (...) Il a été intercepté par les gendarmes, qui lui ont demandé de se démasquer. (...) C'est à ce moment qu'il a déclenché sa ceinture (d'explosifs)», a raconté le porte-parole de la police.

La tête voilée de l'auteur présumé de l'attentat, arrachée par l'explosion, a été retrouvée près du lieu de l'attentat, et montrée à des journalistes sur place.

Invoquant des raisons de sécurité après la double attaque de juin, les autorités tchadiennes avaient dans la foulée totalement interdit le port du voile intégral (niqab, ne laissant apparaître que les yeux) dans ce pays majoritairement musulman. Elles avaient en représailles bombardé des positions de Boko Haram au Nigeria.

À proximité immédiate du lieu de l'attentat, des morceaux de chair humaine étaient éparpillés au milieu de flaques de sang.

Aussitôt après l'attaque, commerçants et badauds ont fui le marché dans un mouvement de panique.

«Tout le monde est très choqué», a confié un responsable policier, d'autant que «nous sommes en pleine période de ramadan», le mois de jeûne musulman.

Le quartier du marché central, situé au coeur de la capitale, a été entièrement bouclé par les forces de sécurité tchadiennes. Selon des sources sécuritaires, le premier ministre Kalzeube Pahimi Deubet a convoqué une réunion d'urgence.

Dans un communiqué, le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, a «condamné avec la plus grande fermeté» l'«odieux attentat» de samedi.

Le président tchadien Idriss Déby est un allié de poids pour Paris dans la lutte contre les groupes jihadistes en Afrique sahélienne, et l'armée française a établi à N'Djamena l'état-major de son opération Barkhane contre ces groupes.

Le «terrorisme» qui frappe aussi «les pays du Bassin du Lac Tchad doit être combattu avec détermination», a ajouté le ministre.

Village attaqué au Nigeria

L'armée tchadienne est en première ligne dans l'opération militaire régionale contre les insurgés de Boko Haram, qui ont multiplié les attentats-suicide ces dernières semaines dans le nord-est du Nigeria.

Vendredi soir, 11 personnes ont été tuées lorsque des islamistes ont envahi un village reculé de l'État de Borno, à moitié incendié.

Et samedi matin à Maiduguri, deux kamikazes ont fait deux morts en visant une gare routière bondée, où ils ont percuté un bus, un attentat revendiqué par Boko Haram.

Ces attaques soulignent la capacité de nuisance du groupe islamiste, malgré les succès militaires revendiqués ces derniers mois par l'opération régionale à laquelle participent le Nigeria et ses voisins tchadiens, nigériens et camerounais.

Le nouveau président nigérian Muhammadu Buhari a érigé en priorité la lutte contre Boko Haram qui, depuis son entrée en fonction le 29 mai, a multiplié les attaques, faisant près de 580 victimes au Nigeria, selon un décompte de l'AFP.

«Il y a peu de chances que la lutte contre Boko Haram trouve son terme rapidement», a déclaré  à l'AFP Ryan Cummings, analyste chez Red24.

«Boko Haram reste perçu comme un problème nigérian, mais l'évidence montre que la menace a pris des proportions régionales qui réclament une solution régionale», selon lui.

L'insurrection et sa répression ont fait au moins 15 000 morts depuis 2009 et plus de 1,5 million de déplacés.