La réouverture au public du musée Bardo a été reportée sine die mardi à Tunis, mais une cérémonie officielle symbolique et des rassemblements ont été maintenus pour rendre hommage aux 21 victimes, moins d'une semaine après l'attaque revendiquée par le groupe État islamique.

La cacophonie a régné sur les motifs du report de la réouverture, annoncée initialement pour mardi par les autorités: le musée a d'abord évoqué «des raisons de sécurité», une explication démentie ensuite par le gouvernement qui a argué «de travaux à finir» et assuré que le site était «sécurisé».

Enfin, le ministère de la Culture a mis en avant des «problèmes de logistique» empêchant d'accueillir «des milliers de gens».

Une cérémonie officielle a elle été maintenue pour un parterre de quelques centaines d'invités et de journalistes triés sur le volet.

«La vie reprend»

Elle s'est ouverte sur un spectacle avec danseurs et enfants habillés de toges romaines virevoltant sur l'escalier du hall du musée. Puis l'Orchestre symphonique tunisien, installé au pied d'une vaste mosaïque antique, a joué un récital classique.

«C'est une cérémonie symbolique, la vie reprend, la joie est là», a affirmé à l'AFP le président du Parlement, Mohamed Ennaceur.

Le conservateur du musée, Moncef Ben Moussa, a estimé pour sa part que le musée devrait rouvrir «normalement dimanche prochain». C'est aussi le 29 mars que la présidence tunisienne prévoit une marche internationale «contre le terrorisme».

Les responsables du site avaient fait état de dégâts mineurs, après l'attaque à l'arme automatique du 18 mars menée par deux hommes qui ont ensuite été abattus.

Cet attentat a mis en évidence de graves défaillances des services de sécurité autour du musée et du Parlement qui se trouvent dans la même enceinte. Un troisième suspect est toujours en fuite.

Le premier ministre a limogé lundi plusieurs responsables de la sécurité, dont les chefs de la police de Tunis et du Bardo. Un policier, chargé de la sécurité au musée, a été écroué pour des raisons non précisées par le parquet du fait du secret de l'instruction.

Divers rassemblements devant le Bardo ont aussi eu lieu mardi pour dénoncer l'attaque, la première à toucher des étrangers en Tunisie depuis 2002. C'est aussi la première revendiquée par l'EI, qui sévit en Syrie, en Irak et en Libye, pays voisin de la Tunisie.

À l'appel d'internautes, des centaines de personnes, des Tunisiens, mais aussi des touristes pensant pouvoir visiter le plus prestigieux musée du pays, se sont succédé en cours de journée devant les grilles, en dépit du mauvais temps.

Portant tambourins et pancartes dénonçant l'attaque, ils ont repris en choeur des slogans comme «Tunisie libre, terrorisme dehors», des lycéens entonnant l'hymne national et des chants révolutionnaires. Des fleurs ont été accrochées au portail.

«Donner l'exemple»

«Il faut être ici pour donner l'exemple (...) et l'image d'un peuple debout», a dit à l'AFP une manifestante, Najet Nouri.

«On ne nous avait pas dit que c'était reporté. Nous sommes venus visiter le musée. Non, je n'ai pas peur. Ce n'est pas plus sûr à Paris qu'ici», a assuré Éliane Cotton, une touriste française.

Quelque 2000 participants au Forum social mondial (FSM), la grande messe altermondialiste qui se tient à Tunis jusqu'à dimanche, ont pris à leur tour la direction du Bardo dans l'après-midi, selon une journaliste de l'AFP.

«Nous voulons dire que nous sommes farouchement contre le terrorisme», a commenté Bintou Traoré, membre d'une association malienne.

Une militante brésilienne Flora Brioschi a ajouté être venue pour montrer «la convergence des luttes dans le monde», dont celle «contre le terrorisme».

La police a considérablement renforcé en journée son dispositif en déployant notamment des unités d'élite aux abords du site.

L'attaque du Bardo fait planer une menace sur le tourisme, secteur vital de l'économie, et les autorités tentent de relever le défi de la sécurité pour empêcher de nouveaux attentats.

Les deux assaillants du musée étaient deux Tunisiens formés dernièrement aux armes en Libye, selon les autorités.

Quelque 3000 Tunisiens sont partis en Syrie en proie à la guerre civile et en Irak miné par l'instabilité. Des centaines se trouvent en Libye, pays livré aux milices, dans les rangs de groupe jihadistes comme l'EI. Environ 500 de ces jihadistes seraient revenus en Tunisie.