Dans les boutiques hipsters du Cap et de Johannesburg ou dans les salons de tatouage des townships, on se fait graver Nelson Mandela sur la peau. Depuis sa mort en décembre 2013, le libérateur de l'Afrique du Sud est en vogue chez les tatoueurs, rapporte notre correspondante.

En mars dernier, José Maria Joao a franchi la porte du salon Wildfire Tattoos, au centre-ville du Cap, pour faire tatouer sur son colossal biceps gauche un portrait de Nelson Mandela en boxeur.

Une décision irréversible qui était tout, sauf une impulsion.

José, qui pendant cinq ans a vécu dans la jungle et frôlé maintes fois la mort, alors qu'il combattait avec l'armée de l'Angola pendant la guerre civile, a toujours eu comme héros personnel Nelson Mandela.

«En 1999, j'ai décidé de fuir l'Angola pour me rendre en Afrique du Sud. Je voulais rencontrer Mandela. Je suis parti de mon pays en 1999, j'ai traversé la Namibie à pied, pour finalement arriver au Cap en 2000. Dans ma jeunesse, je boxais et mon modèle était Mandela», relate l'enthousiaste portier de 40 ans, que La Presse a rencontré pendant son quart de travail au bar The Power & The Glory, dans le bouillonnant quartier de Tamboerskloof, dans la ville du Cap.

José n'a finalement jamais rencontré son héros, mais affiche fièrement le portrait de Mandela. «Quand il est décédé, l'année dernière, des amis et moi nous sommes réunis pour lui rendre hommage.»

Si, en Afrique du Sud, on entend souvent la phrase «Mandela a incarné plusieurs choses pour plein de gens différents», les hommages au leader de la lutte antiapartheid se déclinent, dans les faits, sous plusieurs formes. Et ils se sont multipliés dans la dernière année.

Nathalie Lucia, une employée de Wildfire Tattoos, confirme cet engouement. «Après la mort de Mandela, plusieurs clients entre 20 et 25 ans sont venus nous voir pour faire tatouer son visage, le numéro de sa cellule à Robben Island, des phrases célèbres prononcées pendant son leadership, ou le portrait de Madiba en boxeur, quand il était très jeune.»

«Je pense que c'est une mode plus répandue à Johannesburg, où les gens sont davantage politisés qu'au Cap», évalue le tatoueur capétonien Tyler B. Murphy, qui a lui-même réalisé quelques oeuvres à l'effigie de Mandela.

Le jeune hipster qui tatoue pour la boutique Sins of Style, dans le quartier District Six, au Cap, est particulièrement fier d'un portrait détaillé du président qu'il a réalisé de façon artisanale sur le mollet de son ami Jason Danzyo.

«Dans le style prison, précise-t-il. Je me suis inspiré de la photo de Mandela prise lors de son investiture à la présidence de l'Afrique du Sud. C'est le même portrait que l'on retrouve sur les billets de banque. Cela m'a pris 15 heures!»

«C'est mon tatouage le plus photographié!», lance pour sa part Jason Danzyo, qui est lui-même tatoueur, originaire de Durban et grand admirateur de Mandela. «J'ai grandi dans le racisme, j'ai vu la différence dans notre société, après la fin de l'apartheid. Mandela a fait de nous de meilleurs humains.»