La Cour constitutionnelle ougandaise a annulé vendredi une loi antihomosexualité qui avait suscité un tollé international, une importante victoire pour les défenseurs de la cause homosexuelle en Ouganda, où la sexualité entre personnes de même sexe reste néanmoins punie de la prison à vie.

Les juges ont estimé que le processus législatif était entaché de nullité, le quorum exigé par la Constitution lors du vote au Parlement n'ayant pas été atteint.

«L'adoption de la loi antihomosexualité le 20 décembre 2013, sans quorum à la Chambre» contrevient à plusieurs articles de la Constitution, ne respecte pas la procédure parlementaire et «est donc nulle et non avenue», a déclaré le juge Steven Kavuma, présidant la Cour constitutionnelle.

Cette loi, qui ajoutait notamment la répression de la «promotion de l'homosexualité» et l'obligation de dénoncer les homosexuels à une législation punissant déjà depuis plus d'un demi-siècle les relations homosexuelles de la prison à vie, avait suscité un tollé international. Plusieurs bailleurs de fonds avaient suspendu certaines de leurs aides.

L'annulation de la loi a été rapidement saluée sur Twitter par les défenseurs de la cause homosexuelle, même si les relations homosexuelles restent illégales et que les partisans de la loi n'ont pas forcément dit leur dernier mot.

«Jugement final: je ne suis plus une criminelle aujourd'hui. Nous avons fait l'Histoire pour les générations à venir», a exulté Jacqueline Kasha, figure de la cause homosexuelle en Ouganda.

«La loi antihomosexualité rétrograde en Ouganda a été annulée par la Cour constitutionnelle, elle est désormais morte et bien morte», s'est réjoui un des requérants, le journaliste ougandais Andrew Mwenda.

L'article 145 du Code pénal ougandais, datant de 1950 et remontant au régime colonial britannique, reste néanmoins en vigueur et prévoit la perpétuité pour les «relations charnelles contre nature».

«La tâche plus difficile d'assurer l'égalité de traitement de tous les Ougandais est loin d'être terminée», a déclaré à l'AFP Nicholas Opiyo, avocat des requérants - huit individus et deux collectifs d'ONG.

La Cour avait souhaité se prononcer d'abord sur la question - technique - du quorum avant d'étudier, si besoin était, le sujet plus sensible du contenu de la loi.

Fortes pressions internationales 

Les juges ne se donc pas prononcés sur la conformité des dispositions du texte à la Constitution.

Les requérants arguaient notamment qu'elles violaient les droits constitutionnels à la vie privée, à la dignité, à ne pas être victime de discrimination et à ne pas être soumis des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

David Bahati, le député auteur de la proposition de loi - dont le texte initial prévoyait la peine de mort pour «l'homosexualité aggravée» - a ainsi estimé que c'était «un revers, mais pas majeur car la loi est intacte».

De son côté le porte-parole du gouvernement ougandais, Ofwono Opundo, a indiqué à l'AFP que «la décision n'a pas annulé la loi antihomosexualité, mais s'était simplement prononcée sur la procédure au Parlement».

Le pasteur Martin Ssempa, pourfendeur radical de l'homosexualité, s'est dit «décidé à porter le dossier devant la Cour suprême».

Il avait dénoncé ces derniers jours par avance un «avortement judiciaire de notre loi» sous la pression internationale et a dénoncé une tentative de redorer le blason de l'Ouganda avant la visite du président Yoweri Museveni la semaine prochaine à Washington où il doit participer au sommet États-Unis/Afrique avec le président Barack Obama.

Selon des ONG, cette loi antihomosexualité avait provoqué une hausse des abus contre les homosexuels en Ouganda et leur avait réduit l'accès aux services de santé et de prévention contre le sida en raison des craintes d'arrestation.

Onusida, le programme coordonnant l'action de l'ONU contre le virus VIH, s'est d'ailleurs félicité de la décision de la Cour constitutionnelle, jugeant qu'elle «pourrait avoir des répercussions positives sur le plan de la santé publique».

Amnesty International a salué de son côté une «victoire significative» en espérant qu'elle se traduirait «une réelle amélioration dans les vies des lesbiennes, homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués en Ouganda, piégés dans un cercle vicieux de discrimination, menaces, abus et injustice depuis trop longtemps».

Selon les détracteurs de la loi, M. Museveni l'avait promulguée essentiellement en vue de la présidentielle de 2016, qui marquera sa 30e année au pouvoir, dans un pays où l'homophobie, ouvertement relayée par les puissantes Églises évangéliques, est largement répandue.

Ban Ki-moon salue l'abolition de la loi

Le secrétaire général de l'ONU a salué vendredi la décision de la Cour constitutionnelle ougandaise d'annuler une loi anti-homosexualité qui avait suscité un tollé international.

«C'est une victoire du droit», a estimé M. Ban dans un communiqué où il rend hommage aux militants des droits de l'homme ougandais qui ont combattu cette loi «en prenant parfois de grands risques personnels».

Il demande cependant «de poursuivre les efforts pour décriminaliser les relations homosexuelles» et pour lutter contre la «discrimination dangereuse» qui prévaut encore en Ouganda contre les homosexuels, lesbiennes, bisexuels et transgenres.

La loi qui a été abolie ajoutait la répression de la «promotion de l'homosexualité» et l'obligation de dénoncer les homosexuels à une législation punissant déjà depuis plus d'un demi-siècle les relations homosexuelles de la prison à vie.