Au moins trois personnes ont été tuées à Bangui vendredi lors de manifestations contre le pouvoir et les forces internationales, qui se sont dites prêtes à riposter à toute menace dans la capitale centrafricaine en proie à une nouvelle flambée de violences.

Alors que depuis quelques semaines, Bangui semblait retrouver un début de normalité - du moins pendant la journée - le massacre perpétré mercredi dans l'enceinte de l'église Notre-Dame de Fatima où 9000 habitants avaient trouvé refuge, a servi de détonateur.

Selon un nouveau bilan du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés, au moins 17 personnes ont été tuées et 27 enlevées au cours de cette tuerie qualifiée «d'acte terroriste» par la présidente de transition Catherine Samba Panza dans un message lu à la radio nationale.

Les forces française Sangaris et africaines Misca, massivement déployées dans la ville depuis la tuerie de Fatima ont toutes les deux été prises pour cibles vendredi.

Accusés d'avoir laissé faire les assaillants de l'église Fatima, les soldats burundais de la Misca ont tiré sur des «manifestants armés» qui tentaient de «forcer le dispositif de sécurité et entrer de force dans leur cantonnement», a indiqué à l'AFP le colonel Bengone Otsaga, chef de la police de la Misca.

Dès le début du déploiement de la Misca dans Bangui, des soldats burundais ont été placés au PK-5, pour protéger ses habitants musulmans des attaques des milices antibalaka.

Trois manifestants ont été tués par balle et d'autres blessés, certains grièvement, lors de ces affrontements au niveau de l'avenue Bouganda, près du centre-ville.

Vendredi, deux morts et sept blessés ont été amenés à l'hôpital communautaire de Bangui, a indiqué la Croix rouge à l'AFP. Selon Médecins sans frontières, 5 autres blessés et un mort ont été également transportés à l'hôpital géré par l'ONG.

Des forces de Sangaris ont été visées par des tirs, qui n'ont pas fait de blessés, a-t-on indiqué de source française, précisant que les soldats avaient répliqué par des «tirs de semonce».

Rafales d'armes automatiques 

Bangui s'était réveillé au bruit de rafales d'armes automatiques vers 6 h (1 h à Montréal) dans le centre-ville, fait rare dans ce quartier de la capitale proche du palais présidentiel, alors que des groupes de manifestants marchaient dans les rues.

Le calme était revenu peu après 7 h, les manifestants ayant déserté la zone. Mais des tirs sporadiques et des détonations de grenade résonnaient toujours, jusque dans le centre-ville, en début d'après-midi.

Et la ville était toujours paralysée par les barricades érigées dans plusieurs quartiers. Aucun véhicule ne circulait dans les rues et des vols au départ et à l'arrivée de Bangui ont dû être annulés.

Dans la matinée, plusieurs marches avaient rassemblé des milliers de manifestants aux revendications multiples, notamment près de l'aéroport où sont basées les forces internationales.

Dans certains défilés, les manifestants tapaient sur des casseroles pour exprimer leur colère et demander le départ des Burundais de la Misca.

Sur une barricade érigée devant l'université de Bangui, des étudiants en colère exigeaient «le désarmement» du quartier PK-5, dernier réduit musulman dans Bangui, et le départ de Sangaris, des Burundais et de la présidente de transition.

Les forces internationales ont dû procéder à des tirs de sommation dans plusieurs quartiers de la capitale pour empêcher les manifestants de progresser, ou pour démanteler des barricades.

Mme Samba Panza a dénoncé «une situation de guérilla urbaine» avec un «cycle de représailles» qui «prend des proportions très inquiétantes» dans son message radiodiffusé.

Complot de proches du pouvoir 

Cette nouvelle flambée de violences a été provoquée par l'attaque mercredi de l'église Notre-Dame-de-Fatima de Bangui par un groupe d'hommes armés assimilés par des témoins à l'ex-rébellion Séléka, majoritairement musulmane.

Jeudi déjà de nombreuses barricades avaient été érigées sur les principaux axes de Bangui et des échauffourées entre jeunes et forces africaines avaient fait plusieurs blessés parmi les civils.

Le premier ministre centrafricain, André Nzapayéké, a attribué ce regain de violences à «un complot planifié» par des «hommes politiques très proches du pouvoir».

La crise centrafricaine a débuté en 2013 avec le renversement du président François Bozizé par une rébellion à dominante musulmane, la Séléka, qui a pris le pouvoir dans ce pays majoritairement chrétien. Les Séléka ont multiplié les exactions contre les civils, entraînant en réaction la création de milices d'autodéfense, les antibalaka, à dominante chrétienne.

Rapidement, ces milices s'en sont pris aux civils musulmans, plongeant le pays dans une spirale infernale de violences intercommunautaires, contraignant à l'exil des dizaines de milliers de musulmans.

La France a déclenché en décembre l'opération Sangaris pour aider la Misca à ramener la paix. Face à son incapacité à faire cesser les violences, Michel Djotodia a été contraint à la démission en janvier et remplacé par Mme Samba Panza, qui doit théoriquement organiser des élections générales avant la mi-2015.